Dans les années 70-80, le mensuel «le Camariguo» se consacrait à la Course Camarguaise, à la Nature, aux Traditions.
Dans ses colonnes, un coin était réservé à Mr Ronchon. Celui qui exprime son mécontentement, le « reboussié » (aujourd’hui le non politiquement correct).

Les éditions Cairn ont lancé une collection de romans policiers intitulée «Du Noir au Sud». L’ambition est de «dessiner au fil des ouvrages un portrait d’ensemble d’une région où crimes et intrigues ont un rôle principal».

Pour illustrer la région Arles-Camargue, Jacques Lavergne a écrit «Camargue blanche et série noire», parution en avril 2020. L’intrigue est le meurtre, pendant la Feria du Riz à Arles, d’un torero, enfant du pays, avant le paseo (1) dans la chapelle de l’amphithéâtre. Il est prénommé «Luisito».
Avec un trait d’humeur, le crime est commis avec une puntilla (poignard) dans la suerte «a la ballestina» (2).
Le scénario est bien mené, dans le mundillo (3), le volet policier et judiciaire est parfaitement traité par l’auteur. Ce dernier connaît tous les rouages d’une enquête, il est avocat pénaliste à Toulouse.
L’écriture est un art complexe, comme la Tauromachie. Ses codes et techniques peuvent sembler faciles, l’excellence rester l’exception.
Quelques bémols critiques par ordre d’importante :
- faut-il être polyglotte pour comprendre certaines phrases : too much, deal, in the pocket (anglais), tutti quanti, mezza voce (italien), ad patres (latin), fissa (arabe).
- le sabir hispano-français, voire les barbarismes, sont légion. «Tientes» pour tienta, «cornade» (cornada), «capilia» (capilla), afficionados (aficionados), quadrilla (cuadrilla).
- quelques interprétations sur les mœurs des arlésiens : «par prélèvement sur sa réserve parlementaire, l’avocat député local subventionne les clubs taurins Paul Ricard ».
Pour toute hydratation, le verre d’eau ne se conçoit pour les locaux qu’en mélange avec une célèbre boisson anisée. Cela tient plus de la galéjade que d’une étude sociologique, fut-elle basique ?
Comme tout roman de fiction, le célèbre avertissement «toute ressemblance avec … serait fortuite» .
Car :
- Luisito est l’apodo (4) de Ludovic Lelong ( 29ème matador de toros français).
- Le patronyme Mailhan est celui d’une honorable famille camarguaise.
- Le portrait d’ensemble de cette région, censé être évoqué par la collection, semble inadéquat et peu représentatif, plus près du galimatias (5) que du Goncourt.
Par ces temps de confinement propice à la lecture…
Je brinde ce texte à Jean-Pierre Bacri (1951-2021), l’attachant râleur du cinéma français.
Jacques Lanfranchi «El Kalllista»
(6 mars 2021)
http://www.toroselkallista.com/
Roman policier – Format livre de poche 18×11 – Auteur : Jacques Lavergne – Editions Cairn – Prix : 10,50 €.
- paseo : défilé des toreros, peones, picadors… en début des spectacles taurins.
- ballestina : cf article de Joël Bartolotti paru dans le numéro 2124 (17/10/2020) de la revue Toros.
- mundillo : milieu des professionnels de la Tauromachie.
- apodo : littéralement surnom ou diminutif.
- galimatias : discours , écrits confus.
Dessin de Robert Lebon – http://robertlebon.e-monsite.com/pages/le-bon-coin-des-raleurs.htm