Arles. 13 septembre (tarde). Diego Ventura par Freddy Porte.

Permettez moi, une salve d’applaudissements pour Jean-Marie Magnan récemment disparu dont j’appréciais particulièrement le caractère bienveillant de ses critiques. L’Art est difficile !

Diego Ventura (3 oreilles) triomphe aux côtés d’Antonio Ferrera.

Opposé à deux Espartales et à un Prieto de la Cal, Diego Ventura a fait preuve d’une grande maîtrise. Elle fut couronnée de succès. Le rôle ingrat de sobresaliente était assumé par le jeune rejoneador espagnol Mario Perez Langa, que l’on ne vit qu’au paséo.

Face au premier Espartales (noir 535 kg), Diego dut composer avec un animal distrait et un peu tardo. Cela rendit la pose des châtiments un peu compliquée. C’est avec Lambrusco, un bai de son fer, qu’il le reçut pour lui administrer deux bons castigos. Bronce, avec sa robe louvet, vint danser autour du bicho en se déplaçant croupe en dedans avec un abaissement des hanches propre à cette figure. Quatre banderilles furent posées de face et à l’étrier, citées à courte distance. Guardiana vint pour trois courtes au caracoléo et une lame finale efficace qui emporta le Murube. Une oreille.

Le troisième toro à fouler le sable arlésien fut le second du centaure de la Puebla. Il était jabonero, particularité de l’élevage de Prieto de la cal. Assez rare pour être soulignée cette volonté de Ventura de vouloir rompre avec le ronron murubeño que beaucoup critiquent mais que peu ne font l’effort de changer. Les 518kg du n° 41 sortirent avec beaucoup d’énergie et des charges brusques. Il fallut la force tranquille de Campina et celle du Maestro pour maîtriser ses violents assauts. Il subit par deux fois la bousculade des cornes. La puissante croupe de l’alezan de salida n’en fut pas ébranlée, pas plus que sa fiabilité.

Deux castigos furent posés (le premier légèrement trasero ). Un grand moment avec Nazari qui, grâce à des déplacements latéraux millimétrés et un temple à suspendre le temps, réussit à régler la fougue de l’opposant à la robe savonneuse : trois banderilles de grande qualité furent posées. Le public ne manifesta que peu d’enthousiasme. Gitano fut ensuite le partenaire pour deux banderilles al violin posées al quiebro contraire avec sortie sur la gauche. Remate, dans sa robe crème, se fit admirer lors d’un cite au piaffer, préambule à une jolie courbette avant de fleurir le bicho de trois courtes al violin. Une entière à effet immédiat, après un pinchazo sans lâcher le manche, conclut une prestation plus que méritoire. Cette dernière ne sembla pas convaincre l’assistance qui resta de marbre. Pas un mouchoir ne macula les tendidos. 

J’avoue à présent avoir eu du mal à contenir mon étonnement, ma déception et ma tristesse devant autant d’indifférence. J’imagine la frustration de Ventura qui resta pourtant digne dans le callejon.

Heureusement le bon second Espartales venu en cinquième position allait permettre à Diego de sortir le grand Jeu. Campina reprit du service pour recevoir le noble Murube et lui administrer deux châtiments dont le premier en excellente place. Lio le bien nommé nous régala de cinq banderilles citées de face, de loin pour la plupart, avec un engagement spectaculaire sur la corne contraire. De très efficace recortes à main gauche précédèrent chaque pose afin de préparer la masse noire. Puis un grand moment d’émotion avec l’entrée en piste de Capote, ce bai auquel il quitta la bride pour clouer deux bâtons spectaculaires à l’étrier. Une pensée émue me vint alors pour Dolar disparu récemment. Ce magnifique et courageux gris qui est déjà entré dans la légende. Je dois avouer avoir eu besoin de mouchoir pour un autre usage que celui de réclamer les oreilles ! Il les obtint d’ailleurs au nombre de deux grâce à une entière foudroyante en chevauchant Guardiana avec lequel il posa préalablement trois roses au caracoléo dans un mouchoir de poche.

J’avais innocemment imaginé une minute de silence en hommage à ce phénomène que fut Dolar. A défaut je vous livre cette strophe : 

« Immaculé de blanc, tu éclairais le ruedo,
Libre, sans contrainte, tu affrontais les cornes,
Tu nous as tant émus, te jouant du peligro,
Ton cœur s’est arrêté de battre, te pleure le mundillo,
Déjà dans nos mémoires, tu galopes dans nos rêves… »

Autres moments d’émotion furent les deux vueltas posthumes d’un Zalduendo et d’un La Quinta opposés à Ferrera, ce dernier sortant a hombros aux cotés de Diego Ventura.

Reseña : Freddy Porte.
Photos : Martine Clément (ci-dessous) et Patrick Colléoni « Paco ».