Béziers. 16 août. Communion en aficion.

Après la corrida de la veille et la novillada sans picadors du matin, place au festival organisé au profit du centre hospitalier local. Et les présents n’ont pas eu à regretter d’être venus, car la manifestation a fédéré l’aficion et les professionnels autour d’une action caritative visant à témoigner une profonde reconnaissance aux personnels de santé remarquablement impliqués lors de la crise sanitaire que nous traversons.

A l’issue du paseillo, grande ovation pour les représentants du corps médical présents à la tribune aux côtés du Maire, Robert Ménard, et de son épouse, avant que le public communie lors d’une émouvante et vibrante Marseillaise.

Le décor était planté et l’on s’abstiendra de juger le spectacle selon les critères habituels, les récompenses (9 oreilles – si j’ai bien compté – dont les deux symboliques du toro indulté) important beaucoup moins que l’implication des acteurs du jour.

Léa Vicens ouvrit la tarde par la lidia d’un Bohorquez de bonne composition qui lui permit de figurer, comme la veille, à son avantage lors des trois tiers. Bien capté dès le début dans la croupe de son cheval de salida, le bicho fut châtié d’un unique rejon cloué en deux assauts. La cavalière nîmoise s’illustra dans les poses de banderilles, mais aussi lors des différentes figures d’école qu’elle proposa entre ses assauts. Beaucoup de qualité dans son toreo qui a atteint maintenant un niveau qui la place depuis quelques années dans les rangs des figuras de la spécialité. Hélas, la mise à mort un peu longue (3/4 en place au second assaut puis trois descabellos) la privèrent des trophées qui semblaient jusque là acquis. Salut.

Sébastien Castella se mesura ensuite à un noble pensionnaire de Cuillé qui lui permit de dessiner dès son entrée quelques véroniques de haute note complétées paer demie, chicuelina et larga. Un picotazo pour garder le bicho en état, puis une faena (brindée à ses compagnons de cartel) que le diestro biterrois débuta par des muletazos dessinés sans bouger d’un pouce. Suivirent, au son du Boléro de Ravel, des séries ambidextres dont les meilleures furent droitières, le passage à gauche s’avérant moins fluide. Face à un cornu arrêté et sur la défensive, Sébastien proposa un final encimista avant de loger une grande entière qui lui valut de recevoir les deux oreilles de son opposant pour lequel le public réclama la vuelta. Sagement le palco n’accéda pas à cette demande quelque peu excessive.

Manuel Escribano dut quant à lui se colleter à un Pagès-Mailhan pas des plus commodes. C’est par une larga cambiada afarolada de rodillas a porta gayola qu’il salua l’entrée en piste du pensionnaire des Jasses de Bouchaud, se faisant ensuite serrer sur les capotazos qui suivirent où il perdit un peu de terrain. Après une unique ration de fer, le torero de Gerena se saisit des bâtonnets pour deux poder a poder (… à cornes passées) et un violin al quiebro. Brindée à Robert Margé, la faena  fut un peu compliquée par un animal qui freinait dans l’étoffe, ne permettant pas au garçon de lui donner la sortie comme il l’aurait souhaité. Petit à petit, à force de volonté et de technique, il parvint à convaincre le bicho qui se livra peu à peu mais de façon incomplète, d’où par moments une distance de sécurité notamment sur les passes gauchères. Quasi-entière en place pour en finir et deux oreilles pour l’andalou (un peu généreuse la seconde).

Avec Miguel Angel Perera vint le caviar de la tarde. Le Margé qui lui fut opposé ne lui laissa pas vraiment étaler son art lors des véroniques de réception, mais après une pique légère, l’extremeño rattrapa le coup lors d’un quite par chicuelinas mains basses et tafalleras de haute volée. Brindée au public, la faena débuta par un gros susto, le Margé cueillant de plein fouet dans le dos Perera qui venait de le citer de rodillas. Heureusement nous en restâmes à une cogida violente mais sans conséquences apparentes. Il en fallait plus pour décourager la garçon qui poursuivit par des séries ambidextres de très haut niveau, s’enroulant à la ceinture un bicho qui, de par sa noblesse et son entrega, se prêta fort bien à l’exercice. Douceur, temple et domination, du grand Perera qui enchaîna au final un bon nombre de muletazos sur les deux mains sans rectifier la position. De la haute couture taurine ! Alors qu’il s’apprêtait à mettre fin à la vie publique du Margé, la pétition d’indulto se fit majoritaire et le palco y céda après avoir demandé au torero de poursuivre un peu l’exercice. Vuelta triomphale de Perera qui y associa Lily Rose, la fille d’olivier Margé. Moments intenses que seule la tauromachie peut proposer ! Comme je l’ai précisé plus haut, on s’abstiendra de tout commentaire sur le bien-fondé de cet indulto pour ne retenir que la prestation de Perera qui restera l’un des moments forts de ce festival. Vuelta en compagnie du ganadero et de sa petite-fille.

Le soufflé retomba un peu lors de la (bonne) prestation de Paco Ureña face à un Fernay qu’il apprivoisa petit à petit. Après correctes véroniques d’ouverture et une pique où le bicho mit un peu d’entrega, le natif de Lorca proposa une faena ambidextre de corte classique, très propre et bien maîtrisée mais qui parut plus fade à un public peut-être moins au fait de ce type de tauromachie. De plus, le garçon a un peu de mal à accrocher les gradins par une tauromachie épurée plus accessible aux initiés. Entière delanterita pour la conclusion et un salut … qui se transforma ensuite en une oreille (que l’alguazil dut aller chercher dans les coulisses), la décision du palco étant passée inaperçue.

Le local Carlos Olsina affronta, pour ce qui devait être le dernier combat du jour, un pensionnaire de Malaga (famille Callet) au trapio des plus avantageux et qui s’avéra être un adversaire compliqué. Sans se laisser impressionner par la fougue initiale de l’animal, le biterrois liui proposa une bonne série de véroniques bien rématée par revolera. Après avoir cogné à deux reprises dans le matelas, le bicho s’arrêta progressivement dans la muleta de Charles, derrotant violemment en fin de passe. Le garçon fit ce qu’il put, mais à l’impossible nul n’est tenu. A noter que Charles brinda sa faena à son compagnon d’entrainement Manuel Escribano.

Mais nous n’étions pas au bout de cette tarde particulière, car les toreros offrirent en supplément un Gallon qui fut toréé de façon collective. Sébastien Castella accueillit l’animal par quelques véroniques un peu accrochées avant de le confier aux bons soins de Miguel Angel Perera qui le mit en suerte face à un cheval de picador monté par … Léa Vicens qui lui administra le châtiment règlementaire. Quite de Perera par chicuelinas et nouvelle cogida pour l’extremeño, à nouveau sans conséquences (envisagerait-il une nouvelle carrière chez les Forcados ?). Quite por colleras à charge de Manuel Escribano et Carlos Olsina, puis un second tiers partagé par Escribano (poder a poder), Castella (quiebro) et Perera (cuarteo), Ureña intervenant à la brega, puis débutant le dernier tiers par passes hautes puis naturelles. Carlos Olsina prit le relais  pour quelques séries ambidextres de bon aloi, puis usant (et abusant) de circulaires inversées avant de cloturer sa prestation par des bernadinas ajustées. Entière contraire concluante portée par Manuel Escribano et deux oreilles collectives. Belle vuelta fêtée de l’ensemble des intervenants.

Un festival des plus agréables et des plus émouvants (comme ce devrait être plus souvent le cas), et qui fut marquée par la communion de la piste et des étagères. Et pour faire bonne mesure, qui se conclut logiquement par un hommage collectif à Robert Margé, à la tête des arènes biterroises depuis plus de trois décennies et qui donnait ce jour sa despedida d’empresa.

Olivier Margé, Sébastien Castella, Robert Ménard (Maire de Béziers) et Bernard Mula (Président de l’Union des Clubs Taurins du Biterrois) rendirent tour à tour hommage au ganadero local accompagné de Françoise, son épouse, très émus par toutes ces attentions et qui reçurent une belle ovation collective.

Des moments précieux qui resteront gravés dans nombre de mémoires !

Reseña et photos : Patrick Colléoni « Paco ».