Le Domaine de Méjanes a reçu bon nombre de « légendes vivantes ».

Mais le Domaine de Méjanes a également vu grandir en son sein d’immenses personnages. Aujourd’hui c’est de la famille Pellen dont je vais vous parler.
Gabriel Pellen s’installe à Méjanes en tant que régisseur, en 1953. En 1961 lors de notre voyage à Rome, c’est lui qui va offrir une gerbe de riz symbolique au souverain pontife.
Cet homme enthousiaste, affable et passionné d’agriculture, va rapidement mettre en place l’immense verger du domaine : plus de 8 500 poiriers, 5 hectares de pruniers pour parer à la surproduction de riz (1955-1956). Il gère aussi, bien sûr, toute l’agriculture avec l’exploitation du riz, la gestion des arènes, de la manade, du restaurant de Méjanes, …
Très apprécié pour sa sympathie, sa rigueur et sa grande capacité d’écoute et d’ouvertures aux autres, il reçoit aux côtés de son épouse Jacqueline, avec une immense attention, les personnalités qui viennent découvrir le Domaine.
Leurs enfants vont, comme les autres petits des ouvriers du Domaine et des alentours, à l’école de Méjanes qui avaient été mise en place pendant la guerre.
Parmi les enfants de la famille Pellen, c’est de Gérald dont je suis la plus proche. Avec mon frère Patrick aussi, il est très ami.
Nous avons un an d’écart. Gérald garde de sa vie à Méjanes un souvenir ému. De nombreuses anecdotes qu’il nous livre ici…
« Je n’étais pas vraiment un élève assidu. Notre instituteur, Roger Gonfond, avait pour habitude de se gratter le nez lorsqu’il était en colère. Ce jour là, j’avais dû faire une grosse bêtise car notre maitre me regarda fixement en se grattant plus nerveusement qu’à son habitude.
Pour échapper à son courroux, je saute par la fenêtre (nous étions au rez-de-chaussée), prends mes jambes à mon cou et je traverse la cour du mas pour me réfugier sous mon lit, dans notre maison, dite « la maison Carrée » en face de la Croix de Méjanes… Marie-Thérèse Ricard et ma mère, ce jour-là, font rempart à l’instituteur furieux qui me court après…
L’un de mes compagnons de classe, beaucoup plus docile lui, est Michel Bouix. Ses parents gèrent à l’époque l’élevage de taureaux de Basse Méjanes. Il deviendra plus tard le grand picador que l’on connaît.
A cette époque-là, nous sommes une vingtaine d’enfants à vivre sur le domaine. Une enfance pleine de magie, en toute liberté, en toute insouciance.

Chaque semaine, c’est Paul Coulé qui vient à Méjanes avec son camion Citroën qui sert d’alimentation ambulante. Plutôt que de bonbons, ce sont des alici picanti (anchois pimentés) dont nous raffolons… Nous allons dans nos cabanes de lierre installées dans les branches des arbres pour les savourer.
Au restaurant « Chez Bob » (maintenant « Le Mazet du Vaccarès »), toutes les familles qui vivent sur le Domaine ont l’habitude de se retrouver le soir en hiver autour de la cheminée pour des castagnades… Nous faisons cuire les chataîgnes. Un délice !
Un hiver, le Vaccarès est totalement gelé. Des flamants roses et des canards sont pris au piège. Un petit avion de tourisme s’est échoué là aussi. Le mistral glacial l’a transformé, avec l’eau de l’étang, en forme d’iceberg. Magnifique !
Au sortir de l’école, à la saison des récoltes, nous avons pour habitude d’aider les ouvriers à cueillir les fruits et à charger les caisses sur la charrette tirée par les chevaux de trait. Mon plus grand plaisir est de monter sur le cheval, sur quelques centaines de mètres, jusqu’aux écuries… C’est ainsi que ma passion pour l’équitation naît.
A 12 ans, mon instituteur – celui qui se grattait le nez – Monsieur Roger Gonfond, part faire son service militaire. Comme j’apprécie son cheval, il me laisse en prendre soin pendant son absence. Pas rancunier l’instituteur !
Artaban, croisé Camargue, n’est pas docile, loin de là. Il faut l’apprivoiser. Il faut surtout pouvoir rester dessus…
Chaque matin, une fois l’avoir sellé, je monte dans la mangeoire pour l’enfourcher. Nous partons dans les champs pour tenter de galoper un peu. Et toujours au bout de quelques minutes, il se retourne violemment pour rebrousser chemin jusqu’à l’écurie. Me laissant par terre… seul au milieu des marais.
A cette époque-là, on apprend sur le tas. Les autres cavaliers se réservent bien de nous donner des conseils… ou, lorsqu’ils nous en prodiguent, ce ne sont pas les bons. Mauvais joueurs !
C’est Germain Bonnaud et André Rebuffat qui, à l’occasion de leurs visites à Méjanes, me conseillent gentiment.
Le jeudi et le dimanche, nous allons dans le bétail faire les ferrades. On apprend les taureaux, leur fonctionnement, … On apprend à monter à cheval, on trie, on finit par raseter… Les chevaux se dressent ainsi et s’amusent aussi. Cette équitation Camargue est une fabuleuse école d’équitation.


A 12 ans je décide de toréer à cheval. Et je fais la rencontre, au Domaine de Méjanes, du mythique César Giron.
Cette rencontre va décider de mon destin. Le maître m’apprend tout. Ma carrière nationale, puis internationale, est lancée. De cette partie de vie au Domaine de Méjanes je garde un souvenir fort, intense. J’avais une telle admiration pour Paul Ricard, pour son fils Patrick. La même doublée de beaucoup d’affection pour Michèle Ricard. Ils sont comme une famille pour moi. C’est du moins ce qu’ils m’ont fait ressentir. »
Merci Gérald pour ces belles anecdotes qui nous font tous retourner en enfance…
Gérald Pellen, célèbre rejoneador qui pendant 30 ans, connut en France, en Espagne et au Portugal, des succès retentissants. Entre autres à Méjanes en 1968, Gérald remporte le Rejon d’Or. En 1989, toujours dans nos arènes de Méjanes, il torée seul 5 taureaux. Il sort des arènes sous les ovations. En 1985, avec deux oreilles et la queue sur un seul taureau, il sort triomphateur de la Feria d’Arles.
Plus tard, c’est sa fille, Patricia Pellen, qui réalise une carrière internationale. En France, en Espagne, au Portugal où on l’apprécie particulièrement, au Canada, en Californie…