L’histoire du Domaine de Méjanes, par Michèle Ricard (6).

Nous sommes en 1942. En plein cœur de la seconde guerre mondiale.

Une vingtaine d’ouvriers vit sur le Domaine de Méjanes. En plus d’une dizaine de familles.

Raoul Schmitt, le régisseur, obtient qu’un instituteur vienne sur le Domaine faire, chaque jour, l’école aux enfants. Ce qui nous évite cette folle épopée des trajets en camionnette à gazobois jusqu’à Albaron, avec quinze enfants à bord.

Les gens de Méjanes vivent en totale autonomie. Tout en faisant bénéficier à l’ensemble des collaborateurs de Ricard, à leurs familles, ainsi qu’aux populations avoisinantes, de leur production agricole.

Le jeune fils de Raoul Schmitt est chargé de surveiller l’arrivée des allemands.

Au signal, tout le monde se précipite sur le matériel et le cache dans la « Palunette », près du Vaccarès.

Les allemands passent régulièrement à Méjanes se fournir en viande, en lait,… Pour préserver les provisions, le régisseur tient une double comptabilité et fait abattre les porcs et les moutons la nuit.

Le Travail Obligatoire en Allemagne, le STO, commence à sérieusement menacer les jeunes travailleurs sur le Domaine. Paul Ricard, par des subterfuges finement menés avec l’aide d’autres entrepreneurs de la région, réussit à préserver tout le monde…

Cette terre de Méjanes nourrit et protège les siens. Tous ses ouvriers et collaborateurs citadins se ré-inventent ici. Une nouvelle vie, un apprentissage sur le tas, la révélation de vocations pour certains.

Pour tous en tous cas, l’énergie farouche de faire face et de survivre. Parce qu’il y aura un Après. Meilleur.

Mon père a écrit :

«Si l’on m’interrogeait sur les plus belles années de ma vie, je répondrais que probablement ce furent celles-là, en dépit de la chape de plomb que la guerre faisait peser sur nous.

Elles ont donné à ma passion de créer un aliment inépuisable… ».

Photos : collection de l’Association des Amis de Paul Ricard. Toute reproduction interdite.