Presque un lleno hier aux Saintes Maries de la Mer pour la première Corrida Provençale hommage à la culture régionale.
Défilé de gardians à cheval, de calèches, arlésiennes, Reine d’Arles et ses dauphines, … , rien ne manquait pour mettre en valeur les traditions locales, une mise en scène propre à séduire tout autant les spectateurs locaux que les touristes de passage. Après le défilé, place à la corrida avec sept toros tricolores (en comptant le sobrero sorti en 6° bis) face à trois toreros de l’hexagone, lesquels furent appelés à saluer à l’issue du paseillo.
Côté bétail, le Gallon qui ouvrit la tarde fut le meilleur de l’éventail ganadero proposé, non par la bravoure que l’on ne put juger lors du vaccin qui lui fut administré pour maintenir des forces bien justes, mais par la noblesse qu’il manifesta tout au long de sa vie publique et qui lui valut la vie sauve. Un indulto de dernier tiers comme on en voit beaucoup trop depuis quelques années.
En tant qu’amateur de toro-toro, bien sûr je désapprouve. En tant qu’ami de la famille Gallon, je ne peux que me réjouir de la joie qu’ils ont éprouvée ce jour à voir un de leurs pensionnaires gracié par une figura, eux qui se donnent corps et âme à leur ganaderia. Mais hélas le spectacle perd chaque jour un peu de sa substance et on s’achemine vers la corrida sans picadors. Triste constat !!!
Quant aux autres toros, tous furent monopiqués et donnèrent des jeux divers. Le sixième, de Los Galos, se cassa une corne en se jetant violemment sur un burladero et fut remplacé par un sobrero de Cuillé.
Sébastien Castella, depuis la mi-saison, a retrouvé la confiance qu’il semblait avoir perdue lors de la première partie de la temporada. Alliée à une technique consommée, elle a transformé le biterrois en une figura de premier plan. Le garçon était déjà une figura, mais il semble maintenant avoir atteint une maturité torera qui lui fait prendre du plaisir en piste tout en en donnant aux spectateurs. Face à « Destocado » de Gallon, il ouvrit son capote pour dessiner quelques véroniques et chicuelinas toutes de temple et de douceur, rématant par trois medias et une larga qui arrêtèrent les pendules. Mise en suerte au cheval par chicuelinas al paso pour une égratignure vite administrée et un quite par cordobinas, tafalleras et largas du plus bel effet. Après un brindis à Hadrien Poujol, Sébastien débuta sa faena par des muletazos servis main basse en inversant le placement de sa muleta (devant et derrière lui), prenant très vite la mesure d’un « adversaire » d’une immense noblesse qu’il prit plaisir à toréer sur les deux bords avec des gestes mesurés empreints d’une élégance folle. La difficile facilité du toreo ! Très vite le biterrois sentit qu’il y avait là matière à indulto et il poursuivit au delà du chronomètre, envoyant un baiser à l’animal et jetant les trastos pour montrer qu’il ne souhaitait pas tuer ce compagnon de route. Et l’indulto vint enfin. Deux oreilles (symbolisées par deux éventails car on n’avait pas de pavillons en réserve) et une vuelta fêtée en compagnie des ganaderos aux anges.
Le Cuillé sorti en quatrième position fut réglé en quatre capotazos par Sébastien qui put ensuite le convier à une belle série de véroniques rématée par une média. Après un unique salut à la cavalerie et un quite par chicuelinas et revolera, salut de Rafael Viotti pour un bon second tiers avant une seconde faena de moindre transmission du fait d’un bicho un peu plus fade que le précédent. Le biterrois, avec beaucoup d’aguante et de détermination, parvint cependant à dessiner de bonnes séries ambidextres, peut-être plus soignées sur la corne droite où le bicho s’employait avec plus de franchise. Au final Castella se mit en mode encimista, concluant par manoletinas un trasteo auquel il mit fin d’une lame trasera vite concluante. Deux nouvelles oreilles pour un garçon au sommet de son art.
Passer derrière Sébastien Castella n’était pas chose aisée pour Thomas Joubert. Très décidé, c’est par une larga de rodillas a porta gayola qu’il accueillit le toro de Blohorn, signant encore deux largas afaroladas toujours de rodillas avant de se relever pour quelques véroniques, la suerte finissant par une bousculade sans conséquences à la sortie d’une chicuelina. Face au cheval, le pensionnaire du Mas de Carrelet fut le seul à mettre les reins, finissant par obtenir une chute de la pièce montée. Quite de l’arlésien par saltilleras, véroniques, tafallera et revolera, l’ensemble un peu brouillon. Brindée à une amie en hommage aussi à son mari récemment décédé, la faena de Thomas débuta au centre du ruedo par cinq statuaires avant de tourner à l’affrontement face à un bicho compliqué qui jouait des cornes, qui progressivement réduisit ses charges lors du passage à gauche et lorgna vers les planches. Final par luquesinas enganchées avant quasi-entière delantera et latérale. Oreille du public.
C’est à nouveau a porta gayola que Thomas reçut le Piedras Rojas sorti avec le dossard numéro cinq, poursuivant l’accueil par quelques véroniques. Quite par gaoneras après l’unique ration de fer et une chute sans suites négatives devant les cornes, le garçon poursuivant ensuite son intervention à l’identique. Brindée aux étagères, la faena, débutée de rodillas, fit passer le frisson dans le public, l’arlésien se faisant prendre à deux reprises, spectaculaires volteretas à l’appui.
Il en fallait plus pour venir à bout de la détermination de Thomas qui poursuivit son labeur ambidextre marquée par l’habituelle verticalité de son toreo. On notera de belles naturelles de face avant un final par manoletinas rappelant par la posture celles de leur créateur dont la silhouette n’est pas sans rappeler celle du garçon. Demi-lame en place complétée par deux descabellos et nouvelle oreille synonyme de Puerta Grande. Mais sera-t-elle suffisante pour rappeler Thomas au bon souvenir des empresas ?
Le Margé sorti en troisième position commença par gratter le sol et calculer ses charges. Juan Leal le convia à quelques delantales avant un passage par le cheval pour un unique puyazo poussé en rond tête haute. Brindée au public, la première faena du second arlésien de la tarde débuta par une alternance de passes hautes et de passes cambiadas avant passage à droite de bon niveau, mais finissant par un désarmé. Hélas la suite ne fut pas du même tonneau, le Margé s’avérant peu enclin à la collaboration. Des charges incertaines et un torero qui fit front pour lui voler des passes, allant jusqu’à s’enrouler le bicho à la ceinture de façon tremendista. Entrant a matar avec décision, Juan logea une entière delantera concluante comptant pour beaucoup dans l’oreille accordée.
Le sixième de Los Galos rémata très fort d’entrée contre les planches, finissant par se casser une corne, paraissant groggy dans un premier temps avant d’afficher, semble-t-il, des problèmes moteurs. Il fut remplacé par un sobrero de Cuillé que Juan Leal accueillit par véroniques près des tablas avant de le faire mono-piquer. Salut de Marco Leal et de Manolo de los Reyes pour un second tiers bien mené. Débutée de rodillas, la seconde faena de Juan, brindée à Sébastien Castella, fut orchestrée dans le thème tremendista dont le garçon est coutumier, approchant de très près son adversaire pour lui voler les passes que ce dernier semblait peu disposé à dispenser, à gauche surtout après réduction de sa charge. Final à nouveau des rodillas pour arracher d’impensables derechazos, et un trasteo portant sur le public qui lui fit accorder les deux oreilles du Cuillé après une nouvelle lame portée en s’engageant. Une seule m’aurait semblé plus raisonnable. Quant au tremendisme, on apprécie ou pas. Personnellement ce n’est pas ma tasse de thé !
Sortie a hombros des trois acteurs après plus de trois heures de spectacle. La Corrida Provençale (avec parfois des allures de festival) a su séduire, même si côté bétail on est un peu (beaucoup ?) resté sur sa faim au premier tiers. Mais jamais l’ennui n’a touché l’assistance, chacun jouant sa partition avec les moyens qui sont les siens. Une tarde agréable au demeurant, avec les réserves précédemment évoquées.
Reseña et photos : Paco.