Quelques problèmes techniques de transmission par internet ne nous ont pas permis de recevoir le compte-rendu de la Feria du Cheval 2019 de Méjanes. La voici enfin, avec nos excuses aux lecteurs pour le décalage.
Méjanes, quand tu nous tiens…
L’émotion a été si intense samedi à Méjanes que je ne sais par où commencer ni comment je dois vous faire partager ces moments magiques. Plusieurs fois, les larmes ont perlé aux paupières et personne ne pourra prétendre de ne pas avoir eu quelques difficultés à contenir son émotion.
Emerveillé par autant de générosité, par ce sens du partage qui anime ce Clan, qui anime cette famille qui sait si bien mettre en pratique la devise de Paul Ricard : «Le bonheur, c’est le plaisir que l’on donne aux autres».
Du plaisir, il en fut question depuis le matin. Embués de larmes, nombre d’yeux en furent témoins.
Le jour s’était levé sous les meilleurs hospices, proposant une douce température, agréable, propice à réchauffer nos corps. Nos cœurs quant à eux, n’avaient plus qu’à se laisser guider : le petit monde de Méjanes oeuvrait déjà très tôt à la mise en place de la logistique. Le domaine s’animait et peu à peu accueillait ses premiers visiteurs qui ne tardèrent pas à faire une vraie marée noire se pressant vers le Vaccarès où était offert un spectacle inédit de Lorenzo. Celui-ci se produisait dans un cadre naturel des plus magiques. Durant pas moins d’une heure, le public put apprécier la performance, précédée par une abrivado de juments comme pour annoncer l’événement. Avec en fond les taureaux, l’étang et sa faune sauvage, l’enfant du pays s’exhibait !
Il nous était donné de voir le cadeau que Michèle Ricard s’était promise de faire à son fidèle public pour les 80 ans de Méjanes.
La veille, déjà, triés sur le volet, quelques privilégiés avaient pu assister à l’hommage que la présidente du Club Méjanes rendait à Diego Ventura et à ses merveilleux chevaux vedettes : Joselito, Nazari, Fino, Sueño, Campina, Bombon, Remate et le fameux Dolar qui torée sans bride avec une aisance surprenante. La remise de la médaille du club couronnait cette soirée hommage et fut précédée d’un discours bien senti par lequel Michèle Ricard retraçait le parcours du numéro 1 mondial du Rejonéo.
Furent évoquées les difficultés du père qui, malgré son talent de dresseur et de torero ne put, à l’époque, se faire une place dans la discipline, n’ayant pas les moyens nécessaires quand on a pour priorité d’élever sa famille. Sa réussite il dut la faire par procuration: celle de ce fils dans lequel il eut raison de croire.
A cinq ans, attaché à la selle de sa monture, le jeune Diego toréait déjà des vaches. A neuf ans il effectua sa première mise à mort. Que d’embûches, que d’adversité pour le père comme pour le fils, avant que ce dernier ne devienne la vedette qu’il est aujourd’hui. Il en aura fallu du courage, de la détermination, du travail pour atteindre le but qu’il s’était fixé.
Le général Durand, écuyer en chef du Cadre Noir de Saumur et directeur de l’ENE à la fin des années 80, se plaisait à dire «qu’il croyait à la pédagogie de l’exemple». Nul doute que ces jeunes espoirs de la tauromachie à cheval n’ont pas choisi leur mentor par hasard. Non Diego, tu n’as pas volé la vedette à tes jeunes disciples ! Vedette tu l’es ! Tu n’as pas volé ce statut ! Tu l’as gagné à la force des poignets par ton courage et tes qualités humaines !
Tu montres à ces jeunes, comme à nous tous, le chemin du succès, la voie de la réussite. Sois-en félicité. Enhorabuena Maestro !
A l’occasion de ce symbolique anniversaire, Diego Ventura avait l’honneur et l’immense responsabilité d’en faire une date inoubliable. Le pari fut tenu, en tant que figura du Rejoneo (cinq oreilles dans son escarcelle) mais aussi en tant que ganadero (2 vueltas al ruedo posthumes ont gratifié respectivement les 6ème et 7ème toros de ton élevage). Egalement en tant que Mentor puisqu’il présentait 4 jeunes espoirs de la discipline.
Diego était partout, la réussite était au bout. La jeune génération qu’il nous fit découvrir, fut comme une bouffée d’oxygène, un air pur de renouvellement. Un goût sucré que les aficionados présents ont su apprécier à sa juste valeur tant la communion a été parfaite entre les acteurs et le conclave.
Il y eut certes des fortunes diverses mais aucun cavalier ne démérita. Chacun se montrant à la hauteur de l’honneur qu’il lui était offert : concourir pour le célèbre Trophée. Hors concours, il va de soi, le Maestro offrit même un toro de régalo qui sorti en 7ème position. Ce dernier laissa une empreinte, un souvenir qui n’est pas prêt de quitter nos mémoires. Des images émouvantes d’un trio formé par le père Antonio Ventura, le fils Diego Ventura, et par Ruy Fernandes.
Antonio chevauchant Bronce, Ruy montant Artista et Diego nous présentant Hébreux. Ils entrèrent en piste pour un moment de partage, pour un moment de fête… l’aficion présente était en liesse et en parfaite communion avec les artistes toreros.
2 vueltas posthumes, 5 pavillons pour le Maestro et 2 oreilles pour Duarte Fernandes (photo ci-dessus) qui remporte le Rejon d’Or 2019. Sans aucune fausse note, du haut de ses 17 ans, le neveu de Ruy Fernandes s’impose par son style, son équitation, sa classe et son sens du spectacle avec la discrétion des grands. Il a tout pour devenir Figura, c’est de la graine de star dont il faudra savoir prendre soin. Nul doute que les cerveaux s’activent et songent déjà à son devenir. Il ne serait pas surprenant que dans les prochains mois le jeune portugais fasse la une des programmations lors des ferias françaises importantes de l’hexagone. L’avenir nous le dira.
Paco Velasquez coupa lui aussi une oreille à son novillo. Il retint également l’attention du public. Ce jeune cavaleiro praticante qui sortit en 4ème position a un parcours atypique qui mérite d’être souligné. Avant d’être cavalier, il était matador de toros, ayant pris l’alternative en 2014 au Mexique. Il débute à présent une carrière équestre sous la houlette du Maestro de la Puebla del Rio.
Tout aussi talentueux, mais moins chanceux ce jour-là, furent l’espagnol Juan Manuel Munera et le portugais Antonio Prates. Dans toute compétition, il faut un vainqueur, de plus il n’est pas évident de s’exprimer pleinement et de tirer son épingle du jeu avec un seul opposant.
- Diego Ventura : oreille et deux oreilles.
- Juan Manuel Munera : vuelta.
- Duarte Fernandes : deux oreilles.
- Paco Velásques : oreille.
- Antonio Prates : silence.
Quoi qu’il en soit, tous ces jeunes talents affichèrent des détails intéressants. Sous l’oeil avisé et bienveillant du Maestro, ils firent montre de volonté, de savoir-faire et de talent avec une alegria communicative.
Belle initiative couronnée de réussite que d’avoir donné sa chance à cette jeunesse ambitieuse qui est l’avenir de la corrida équestre. L’empresa a vu juste en choisissant cette option, c’est le tournant qu’il fallait prendre.
Jusque tard dans la nuit, la fête se poursuivit afin de souffler les 80 bougies de l’Histoire de Méjanes et de la famille Ricard. 80 ans que le poète défricheur des marais en fit l’acquisition pour faire de cette terre blanche comme la porcelaine un écrin de verdure.
Nous n’étions pas au bout de nos surprises, ni de nos émotions : la maîtresse des lieux a plus d’un tour dans son sac et sa générosité est sans limite. Michèle Ricard monta sur scène, son émotion était plus que palpable, ses mots chaleureux, vrais, simples, aimants, reconnaissants, émouvants, tout comme les images savamment choisies par Lionel qu’elle nous offrit. Nous avons eu la chance d’en apprécier le précieux montage cinématographique.
On souffla également les bougies du gâteau d’anniversaire de François Xavier, et puis, gourmandise suprême, la belle intervention d’Inès et sa déclaration d’Amour à son père et à ce grand-père hors du commun. L’attachement aux valeurs qu’elle a reçu en héritage et auxquelles elle adhère pleinement montre bien, si besoin était, que ce patrimoine n’est pas prêt de s’étioler.
Le fameux gâteau, quant à lui, fut partagé entre les convives présents qui, une coupe à la main, de champagne cette fois, trinquèrent à l’amitié avant de se séparer.
A titre personnel, je me dois de confesser certains moments de tristesse qui m’envahirent quelque peu de ne pouvoir partager cette fête avec mon cher ami Francisco Ortiz Acuna, l’époux de Michèle Ricard. Son absence qui est due à un problème de santé oculaire, s’est cruellement fait sentir tout au long de ces deux journées. Je t’adresse, cher Paco, un Fuerte Abrazo, je te souhaite un prompt rétablissement et j’espère que tu trouveras, dans mon récit, de quoi partager ces instants festifs qui te tiennent tant à coeur.
Texte de Freddy Porte.
Photos de Michel Naval.