Perfide Albion et jeux taurins.

L’évocation de l’Angleterre n’est toujours pas synonyme de jeux taurins, voire de tauromachie.

Pour les français , l’album photo la concernant est très riche.

Tout d’abord, l’ennemi héréditaire depuis la Guerre de Cent Ans (14ème et 15ème siècle) ; mais aussi Winston Churchill (et ses cigares), Margaret Thatcher (la Dame de fer), le Brexit (sortie de l’Union Européenne).

Pour les Corses (malgré une insularité commune) un pays qui possède (entre autres) une île prénommée Sainte Hélène, et une capitale dont les lieux emblématiques se nomment Waterloo Station et Trafalgar Square, c’est l’amertume.

Le montant compensatoire étant la perte d’un œil de l’amiral Nelson lors d’une bataille navale qui eut lieu au large de Calvi d’une part. D’autre part Pascal Paoli, père de la Constitution corse, qui servit à l’élaboration de celle de l’Angleterre.

Pour les amateurs de Rugby, les célèbres «crunchs» (France-Angleterre) ont quelquefois un goût de fiel quand les applaudissements (Standing ovation) et le bon match (Good Match) nous raccompagnent aux vestiaires, après un wagon d’essais en notre défaveur !

Dans les images positives, c’est Tara King dans sa moulante combinaison en cuir, partenaire de John Steed dans la série télévisée «Chapeau melon et bottes de cuir», elle hanta les samedis après-midi de notre adolescence (1961).

Pour la génération 60-70 (sixty-seventy), c’est le pays des Beatles, Rolling Stones, Yardbirds et autres Animals.

Les séjours linguistiques (alias Vacances studieuses) nous permettaient de fréquenter Piccadilly Circus, Carnaby Street (les fringues), Soho (les boîtes de nuit).

Pour les plus heureux, découvrir Jimi Hendrix et son emblématique «hey Jo », qu’il présenta au Blaise’s club, le 21 décembre 1966.

Sans oublier les lait-framboise (strawberry milkshake) savourés avec les petites anglaises dans les Wimpy House (ancêtres des Mac Doc) !

L’apodo de Mr Hendrix «le gitan pourpre» nous ouvre la porte de l’Histoire Taurine en Angleterre.

Les combats de chiens contre toros «Bull baiting» commencent dès le 17ème siècle et persisteront jusqu’au début du 19ième.

« Ils sont le mal nécessaire par la vue du sang, pour forger le vrai caractère anglais ». P Duke.

Ces pratiques sont attaquées par le clergé et les sociétés de protection animale, elles sont interdites en 1835, au début du règne de la Reine Victoria. L’héritage étant une race de chien : Bulldog.

Le Bull running permet de courir et combattre les bovins sur la voie publique, une forme d’encierro, dont les coureurs s’appellent Bullards.

Le plus connu se déroule le 13 novembre à Stanford, le départ étant donné par les cloches de l’église Ste Mary (plus académique que le pétard de Pampelune).

Les bullards se transforment en forcados, pour faire tomber le taureau dans la rivière. Cela devient le Bull Brigging.

L’événement était commémoré par des tasses aux effigies taurines paraphées d’un «Vive le taureau», vendues le jour-même. (1)

En 1838, la Cour Suprême de Justice déclara illégal le Bull Running ; de concert avec ses alliés habituels, religieux et SPA.

Au 18ème, les ambassadeurs de la tauromachie espagnole sont légion dans la Royale Albion.

Le pasteur anglican E.Clark  découvre la corrida sur la Plaza Mayor à Madrid, et s’extasie «la corrida est un régal de la vue». Il consignera tout cela dans un ouvrage «Lettres concernant la Nation Espagnole» 1763.

Richard Ford, un humoriste en cure thermale en Andalousie (sic), narra d’excellente manière son séjour et la découverte de la fiesta national dans «Guide des voyages en Espagne»  et sera choqué du pouvoir du peuple dans les arènes.

Georges Byron, célèbre poète anglais, donnera par son style lyrique et romantique ses lettres de noblesse à la corrida. Il fait dans «le pèlerinage du Chevalier Harold»(2), une apologie de la pique, de la cruauté humaine, et des belles femmes espagnoles ; qu’il résume dans un terrible triptyque : douleur, sang et mort (1810).

C’est en mars 1870 que les spectacles taurins s’installent officiellement à Londres.

L’empresa : William Holland, les toreros Pablo Messa et Francisco Teira (3), le lieu, un ancêtre des palais omnisports, inauguré en 1862 : le Royal Agricultural Hall de Islington.

Le premier et le deux mars, c’est le tour de chauffe, soit deux capeas (sans banderilles, sans piques).

Le samedi 26 mars : banderilleros et piqueros font leurs apparitions, ces derniers étaient montés sur de faux chevaux (les premières protections type «peto» furent imposées fin du 19ème siècle) pour éviter toute effusion de sang.

Le lundi 28 mars, la lidia du quatrième toro, vit l’intrusion «d’espontaneos» particuliers : policiers et membres de la Société pour la Préservation de la cruauté envers les animaux.

Arrêt du spectacle.

Les procès, le poids de l’opinion publique, les animalistes, scellèrent définitivement le sort des pratiques taurines sur le sol anglais. Même notre Felix Robert national ne put aller à l’encontre du jugement prononcé par le Tribunal de Clerkenwell.

De nos jours : deux clubs taurins existent sur les terres de sa gracieuse Majesté : (4)

  • Le Club taurin de Londres, créé en 1959 par Georges Erick. Les vice-présidents d’honneur sont : Angel Peralta, Joselito, Victorino Martin Andres. Il compte 300 membres disséminés en Europe, mais aussi dans le Monde. Une revue «la divisa» est éditée régulièrement.
  • Le Club taurin « Fiesta Brava » de Manchester, fut créé en 1961. Il compte une centaine de socios, le vice-président est le matador de toros : Franck Evans Kelly.

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La liste des toreros britanniques, est beaucoup plus importante que nous le croyons .

           Le doyen, le créateur de l’apodo «El Ingles» est :

  • Santiago Wealands Tapia Robson, natif de Sunderland (1896) . Il débute en 1912, on le dit élève du grand Frascuelo, il foulera paraît-il, en tant que novillero, le sable de Huelva, Sevilla, Madrid, Valencia. Stoppé par la Grande Guerre en 1914. Son plus grand succès est son ouvrage «The national spanish fiesta» en 1953. Il y aura quatre rééditions !
  • Henry Edward Higgins : deux apodos principaux , « El Ingles » (of course) et Enrique Cañadas. Né en 1944 à Bogota d’un père anglais (directeur de la Schell Oil) et d’une mère mexicano-irlandaise. Il fera ses études en Angleterre. Son premier apoderado et mécène fut Brian Epstein, qui s’occupa également d’un célèbre quadrille : les Beatles. Il prit l’alternative en 1970 à Fuengirola (Province de Malaga) le 20 septembre : parrain Juan Beca Belmonte, témoin Pepe Luis Roman. Il est co-auteur avec James Myers, en 1972, du livre : «To be matador». Il trouva la mort en deltaplane en 1978, en Espagne (Mojacar).
  • Franck Evans Kelly (El Ingles, como siempre). Il est natif de Manchester, il fait sa présentation en France en 1966. (5) Il a dix huit ans. L’empresa Pierre Pouly «Don Pedro» avait confondu les apodos (avec Higgins) le célèbre Fair Play fut de mise. L’alternative a lieu le 16 août 1999 à Chillon (Province Cuidad Real). Toro de Sanchez Arjona, parrain Vicente Ruiz El Soro, témoin Antonio Ruiz «El Soro 2» (le frère). En 2009, biographie à la clef, au titre présomptueux, «The Last British Bullfighter». Pour les cinéphiles, un homonyme d’Alfred, Vincent Charles Hitchcok, quitte la faculté de médecine de Liverpool, il se fait blesser lors de sa présentation de novillero à Madrid. En 1954, il réalise un court métrage à Wembley, en compagnie de son épouse Jacqueline. Le titre est Bullfighter et il est produit par British Pathé !

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En 1959, il commet, comme ses prédécesseurs,le roman de sa vie «Suit of light» qu’il sous-titre avec prétention «the only english profesional Bullfighter». Comme tout fini en chanson, comme déclame Beaumarchais , je vous conseille le célèbre «Matador, the musical life of El Cordobes» créé en 1987 par Tom Jones (l’Eddy Mitchell anglais).

WHAT’S ELSE

Je dédie ce texte à Monsieur Henri Régis Dumoulin . Sa casquette et lsa pipe lui conféraient un look so british !

Jacques Lanfranchi « El Kallista »
(Dimanche 3 février 2019)

  1. In Toros
  2. Childe Harold’s Pilgrimage (poèmes en quatre chants) Lord Byron (Londres 1812)
  3. Pablo Messa de Cadix chef de troupe, Francisco Teira de Madrid (banderillero et puntillero)
  4. Elizabeth II spécialiste des couvre-chefs hétérodoxes n’a jamais porté une montera à ma connaissance.
  5. Arènes portatives des Arceaux (Montpellier) ou Saint Laurent d’Aigouze. Dans ce dernier lieu, il fit un mano a mano avec José Manrubia le 4 mars 2001, toros de Pourquier. Corrida gratuite.

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Bibliographie

  • Toros 1267-1268 décembre 85 article d’ Elisabeth et JP Fabaron
  • Toros et Crinolines Marc Thorel UBTF 1986
  • Byron : Vie et légende, Fiona Maccarthy 2002
  • Almanaque de Toreros Britanicos, Juan Cases Meiro 2017

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