La période des fêtes est toujours riche en couleurs (pas que le jaune) et les découpages sont souvent au pied des sapins pour les enfants.
Dans le monde des taureaux (et des toros), les couleurs sont représentées par les devises (divisa) et les découpages par les escoussures (señales) dans les oreilles.
Devise (divisa).
La devise est constituée par un ensemble de couleurs caractéristiques à chaque manade (ganaderia). C’est en 1762 qu’elles furent annoncées sur les affiches (cartels) et dûment enregistrées en 1820.
En France, nous citerons le doyen : vert et blanc pour Hubert Yonnet ( photo 1) et le second à obtenir l’ancienneté à Madrid, le tricolore : bleu, blanc, rouge (Piedras Rojas) de Patrick Laugier.
En Espagne, deux ganaderias n’ont pas la même devise si leurs toros sortent à Madrid ou en province :
- Jose Escolar : azul, caña y rosa à Las Ventas. Verde, grana y oro en province.
- Miura : verde y negra à Madrid. Ailleurs verde y grana.
Les registres des couleurs ont souvent une référence religieuse comme les costumes ecclésiastiques ou l’habit de lumières, bleu céleste, violet nazaré, rouge corinthien. La référence colorimétrique peut être plus pragmatique, soit vert bouteille, bleu dinde, gris plomb.
Le flot de rubans est fixé sur un petit harpon (arponcillo), la devise est posée sur le morillo du toro à sa sortie en piste.
Il existait un Club taurin La Divisa à Oran où certains novilleros l’enlevaient pendant le premier tiers.
Ces devises étaient également posées sur les taureaux Camargue lors des courses libres avec une colle type poix (colle obtenue à partir de bois résineux). Elles permettaient la «suerte du garrot» où le raseteur enlevait le flot de rubans à mains nues, en infligeant une torsion très importante aux «biou» (recorte).
A dater de 1928, pour la Cocarde d’Or, et définitivement en 1930, la pratique fut interdite sous la pression des éleveurs. Les raseteurs Boncoeur, Julien Rey, Margaillan, excellaient dans cette pratique notamment sur le cocardier le Sanglier de Fernand Granon.
Escoussure (señal).
Cette technique d’échancrage des oreilles est généralement réservée aux mâles ( Carriquiri le faisait également sur les femelles). Elle est réalisée le jour de la ferrade (herradero), c’est l’armoirie de l’élevage.
En Camargue, le señal s’appelle «escoussuro», il a donné naissance à un barbarisme (1) : « Escoussurer (faire une escoussure).
Ce geste permettait d’identifier les propriétaires des toros bien avant les médailles alphanumériques et autres puces électroniques.
Sur le plan historique, les espagnols entaillaient le fanon, c’étaient les toros de la campanilla, ou légèrement au-dessus du nez, «les toros del pinganillo», voire coupaient la queue…
L’oreille non découpée est dite « oreille saine » : orejisana.
Dans la terminologie française puis espagnole :
- Osco : coupée en demi-lune. Haut de l’oreille : muesca. Bas de l’oreille : garabato (oreille de lièvre).
- Eperon : coupe du ¼ supérieur et externe : descuarto. Coupe du ¼ inférieur et externe : rabisaco.
- Aramon : coupe en V en épingle à cheveux : horca, horquilla, horqueta.
- Oreille fendue : hendita ou hendija.
- ½ oreille (raze) : vertical : tronza. Bout d’oreille : despuntada.
- Oreille en feuille de figuier : hoga de higuera ou ahiguarada. Oreille pendiente.
Cinq types de coupes peuvent se rajouter :
- Oreille coupée dans son grand axe : punta de espada, de lanza.
- Oreille coupée en dent de scie : zarcillo ou arracada.
- Oreille coupée en porte : puerta.
Autres variantes :
- Oreille trouée : agujero, taladro.
- Oreille trouée en Y : lengua de parajo.
- Oreille trouée en forme de déchirure : fine : rasgada. Large : brincada.
Il faut garder en mémoire, que le geste de la découpe (2) se fait lors du marquage avec pose des médailles définitives et avec un traitement injectable anti-parasitaire : le plus simple est le mieux…
Avec douze types de découpes, et les variantes sur deux oreilles, le nombre de combinaison est infini !
Pour les adeptes du percing d’oreilles – l’escoussure ahiguarada ferait certainement très tribal.
« Au bout de la patience, il y a le ciel ». (Proverbe Touareg)
Jacques Lanfranchi « El Kallista »
(samedi 8 décembre 2018)
- Barbarisme : emploi de mots forgés ou déformés.
- Alvaro Domecq faisait les señales très tôt à la naissance car endormis par le colostrum, certainement avec moins de douleur, et la grande cicatrisation par la langue maternelle…
Bibliographie :
- Escoussures et devises en camargue. G Gadiot 1963
- Union des criadores de Toros de Lidia 2016
Photos :
1. CP
2. In Toros décembre 1995.
3. Collection Albert Clavel « Bebert ».
4 CP. Los señales.