Retour sur la Feria d’Istres.

Bernard Marsella, directeur des arènes d’Istres, avait revu sa copie, et c’est tout à son honneur, pour présenter une feria mêlant les deux approches de la tauromachie, celle dite torista avec la présence des Adolfo Martin et des Valverde, et celle dite torerista avec les Jandilla et les Juan Pedro Domecq, l’originalité étant cette année d’annoncer face à une ganaderia torista un torero évoluant dans la seconde catégorie citée, à savoir Enrique Ponce.

Corrida du geste.

La corrida d’Adolfo Martin, bien que de gabarit modeste, a mis en valeur, si besoin était, les qualités de lidiador d’un Enrique Ponce qui a montré qu’il pouvait affronter tout type de toro et leur couper des oreilles. Dommage qu’il ne le fasse pas plus souvent, comme la plupart des figuras, certaines qu’on ne citera pas ne le faisant jamais. Mais le Maestro de Chiva, après plus de 25 ans d’alternative, a-t-il encore quelque chose à prouver ?

Paco Ureña, plus habitué à se frotter à ce genre de bétail, est celui qui s’en est le mieux sorti, ne laissant pas passer le bon sixième auquel il coupa les deux oreilles, sans contestation possible. Un grand torero !

Quant au palco, s’il fut un peu généreux avec Ponce, la seconde oreille du quatrième n’étant pas vraiment justifiée; il se montra un peu plus sévère pour Curro Diaz qui aurait peut être mérité un trophée à l’issue de la lidia du second.

Novillada.

Une agréable matinée où les utreros de Virgen Maria (propriété de Jean-Marie Raymond) ont donné du jeu et permis aux novilleros de s’exprimer.

Adrien Salenc a dominé son sujet grâce à une technique maintenant solide.

Cristian Perez a séduit par un vrai comportement de novillero, une attitude courageuse et volontaire qui lui a valu de gagner le prix de triomphateur de la matinale. 

Vincent Perez a été en retrait de ses deux compañeros et devra prouver avec peut être un peu plus d’engagement qu’il souhaite s’inscrire dans la profession.

Corrida des héros.

Les toros de Valverde, de gabarit moyen mais dotés d’armures à faire frémir, ont soufflé le chaud et le froid, certains s’avérant abordables, d’autres beaucoup moins. Une course des plus intéressantes.

Morenito de Aranda fut professionnel, Pepe Moral décevant alors que ses précédentes sorties avaient été des plus satisfaisantes.

Quant à Juan Leal, il fut courageux, quelquefois à l’extrême, et son travail mérite de la considération car il se joua la peau face à des adversaires aux coups de tête meurtriers. Le jeune torero, qui s’est beaucoup arrimé, est à revoir dans des conditions plus favorables. Bien sûr, les trophées sont peut être quelque peu exagérés, comme ce fut souvent le cas lors de cette feria. Un excès de récompenses peut aussi nuire à un torero et lui porter préjudice. Valoriser le garçon, oui, en faire le triomphateur de la course, pas forcément. Il faut savoir raison garder.

Corrida internationale.

De petits Jandilla peut être pas à la hauteur de la catégorie que les organisateurs veulent donner au Palio . S’il est vrai que les toros à l’étoile ont pu donner des satisfactions lors de la dernière temporada, le lot envoyé à Istres ne restera pas dans les annales.

Antonio Ferrera a voulu nous faire prendre des vessies pour des lanternes, notamment face à son second. Personnellement je déplore cette attitude qui ne le met pas à la place où il voudrait être.

Sébastien Castella n’a plus rien à prouver. Il est incontestablement une figura, son attitude à Madrid l’a prouvé récemment. On aime ou on n’aime pas, mais les qualités sont là, et comme pour Ponce, on aimerait le voir plus souvent face à d’autres toros que les faire-valoir habituels.

Luis David Adame, comme je l’ai écrit, a apporté la note de fraîcheur à la matinale dominicale. Varié au capote, sérieux avec la muleta, son entrega compense certaines maladresses et son engagement n’est pas douteux. Il le paya d’ailleurs au prix du sang.

Corrida lyrique.

Difficile de renouveler la magie du solo de Ponce, même en mettant une soprano ou un guitariste aux côtés de Chicuelo II. La mayonnaise n’a pas pris. Quant aux toros, on sait que les Juan Pedro se veulent des toros artistes, mais leur faible potentiel génère souvent l’ennui. Face à des figuras, il existe des ganaderias qui, sans être toristas, peuvent apporter l’émotion qui manqua lors de cette tarde. Mais la grosse erreur de casting est venu du palco dont les incohérences ont mis à mal le travail de l’empresa. Les triomphes, ou ici les bonnes prestations, n’ont pas besoin d’une surenchère de trophées. Cela décrédibilise le travail accompli.

Enrique Ponce, tout comme Juan Bautista, auraient pu se contenter de moindres récompenses sans que leurs talents respectifs soient remis en cause. Ce sont tous deux de grands maestros, ils l’ont montré lors de cette tarde comme auparavant lors d’autres spectacles.

Ginés Marin, comme l’an dernier, n’a pas eu le matériel pour convaincre. C’est dommage car le potentiel est là. Otra vez sera !

Bref en conclusion une feria qui n’a pas manqué d’intérêt. Hélas certains choix et comportements précédemment évoqués ont un peu mis à mal le travail de l’empresa. Nul doute que Bernard Marsella, toujours clairvoyant et honnête dans sa démarche, saura nous concocter une feria 2019 exemptes des défauts relevés cette année. Rien n’est jamais parfait, le meilleur est toujours à venir.

Paco.