Jerez de la Frontera. 12 mai. Les larmes de Padilla pour un départ en trois oreilles.

Arènes combles avec un «no hay billetes», soleil, ciel bleu et fraîcheur, poniente (vent d’ouest) soutenu tout au long de la course et gênant pour les toreros, deux heures trente de spectacle, deuxième corrida de feria.

Six toros de Juan Pedro Domecq de joli tamaño, sans excès de poids, de 490 à 475 kilos, tous une pique sans excès de bravoure, le deuxième et le troisième sifflés à l’arrastre, le cinquième malmène le cheval. Tous plutôt toréables à part le deuxième et troisième.

  • Juan José Padilla (tabac et or), au premier, une entière, une oreille ; au quatrième, trois-quarts de lame et une entière, deux oreilles.
  • Morante de la Puebla (noir et or), au deuxième, deux pinchazos et une entière, applaudissements de sympathie ; au cinquième, deux pinchazos, une entière, un avis, applaudissements et salut.
  • José Maria Manzanares (bleu vert pétrole et azabahe), au troisième, un quart de lame et un descabello, silence ; au dernier, une entière, une oreille.

L’un s’en allait pour toujours… l’autre faisait son retour et le dernier s’approchait pour l’emporter. Padilla n’a pas raté sa despedida de l’aficion jerezana, Morante a retrouvé une certaine quiétude après ses errements philosophico-cultuels. Jerez a offert ces deux volets tandis que Manzanares affirmait sa présence dans le premier tiers de l’escalafon. Une course avec beaucoup d’émotion dans les brindis de Padilla, pour ses amis, ses parents… et lors de son départ avec une dernière poignée de sable pour s’effondrer en larmes dans le callejon, dans les bras de Manzanares

Juan José Padilla,  célébré par de vibrants applaudissements et salut avant la sortie du premier bicho, puis par les jeunes de l’école taurine et de sa cofradia qui lui remettent un immense tableau. Mais les choses importantes ne tardent pas. Cinq ou six véroniques de grandes classe, trois paire de banderilles de poder a poder parfaites et un brindis au public. Les premiers muletazos, commencent à droite malgré la gêne du vent. Il se promène sur les deux mains, avec débauche de naturelles, de trincheras et de changements de mains. Sur les deux côtés il sera parfait… pour terminer avec une oreille sans pouvoir se passer du vulgaire drapeau de pirate.

Déjà Padilla avait étonné et il confirma par la suite en oubliant son toreo baroque au profit d’une certaine recherche de classicisme… Mais là, il veut tout donner en commençant par deux largas afaroladas à genoux. Geste de défi et d’amour pour son public, il revient aux banderilles en deux poder a poder et un violin.

Il donnera ses premiers muletazos à genoux avant une série de droite rematée sur de spectaculaire pechos… Ce sont deux oreilles qui tombent et jaillissent les larmes de Padilla alors qu’éclate dans les arènes une immense ovation scandée par  «Torero… torero» ou par de chaleureuses palmitas.

Juan José Padilla a joué à fond et gagné, une nouvelle fois, le respect de ses concitoyens. 

José Antonio Morante de la Puebla del Rio, a rencontré la malchance d’un premier adversaire, sans classe et intérêt. Pourtant on s’attendait au mieux avec une ouverture en quatre excellentes véroniques accompagnées par les «olés» du public. Puis ne viendra qu’une faena de détails qui sera vite écourtée par la faiblesse de l’animal. Il se relance sur un même plan avec quelques véroniques soulignées par des chicuelinas. Même avec un toro qui demeure décevant le mage de la Puebla del Rio parvient à entrouvir le flacon des parfums. Une muleta nonchalante qui tombe sur le mufle du fauve et le conduit avec lenteur. La muleta devient ensorceleuse, quelques trincheras enluminent l’ensemble. Morante avec ce deuxième toro retrouve son style et toute sa légende. Ce n’est certes pas un triomphe mais une excellente reprise en main de sa carrière. Il a toutes les qualités pour se retrouver, rapidement, parmi les meilleurs. Le public le lui a fait comprendre par de longs applaudissements pour l’inviter à saluer.

José Maria Manzanares doit résoudre un premier problème qui ne charge presque pas, aussi s’applique-t-il dans trois véroniques d’école avant de se lancer dans des naturelles profitant de l’excellente corne gauche de l’animal, le seul côté où il veuille bien charger. En fait son répertoire deviendra rapidement ennuyeux… Mais il met le feu aux arènes dans un final ouvert sur une dizaine de véroniques et une somptueuse demie. Il en viendra rapidement à une faena citée, au début, à mi-distance puis qui, avec une muleta basse, multiplie les muletazos donnés avec beaucoup de lenteur… Du sentiment et de la profondeur dans chacun de ses gestes, Manzanares a retrouvé son répertoire habituel  dans lequel il va multiplier les changements de mains.

Une course où chacun a retrouvé son public.

Reseña et photos : Jean-Michel Dussol.