Biographie abrégée de Manolete (1).

Après la soirée dédiée à Manolete jeudi dernier à Lunel, soirée en liaison avec la commémoration du 100ème anniversaire de la naissance du torero et du 70ème anniversaire de sa disparition à Linares, il m’a paru opportun de proposer un rappel de la vie de ce que fut la vie du « Monstre de Cordoue ».

Cette biographie abrégée, rédigée par Henry Sabatier et mise en forme par mes soins il y a quelques années, se compose de cinq parties. Je vous les propose à partir d’aujourd’hui et sur les jours à venir. Bonne lecture.

Paco.

Biographie abrégée de Manolete (1). Le quatrième Calife de Cordoue.

Il est devenu très difficile d’écrire une quelconque biographie sur cette illustre créature qu’a engendrée la tauromachie des années 40, sans vouloir y rajouter aussi sa touche personnelle, car tout ou presque a été dit sur Manolete. En effet, beaucoup de choses ont été consignées, transcrites, rédigées, et reproduites sur un tel personnage.

Pour beaucoup tout est vrai, mais cet homme étant devenu un miroir à double face, et une telle légende, que nécessairement il fallait en rajouter. Certainement pas pour lui causer encore du mal outre-tombe, comme l’ont fait bon nombre de personnes lors de son vivant, dans les arènes. Mais les légendes ne meurent pas, bien au contraire ; il est nécessaire de les agrémenter, les enjoliver, et de les embellir encore un peu plus.

Beaucoup d’ouvrages tauromachiques parlent de lui, comme jamais aucun livre n’a pu le faire sur quelqu’un, et il serait ici bien laborieux de tous les citer. Nous nous contenterons de n’en évoquer que deux parmi les meilleurs, celui écrit une dizaine d’années après sa mort, par l’un de ses amis et confident, José Vicente Puente, œuvre éditée en 1961 aux Editions Del Duca (Paris), intitulé « Manolete » , avec des photos tirées de son album personnel, et publiées à Madrid par Martín Santos Yubero, Valentin Seco Luengo, Antonio Martínez de Villareal, mais aussi l’ouvrage d’Anne Plantagenet, sous le titre « Manolete le Calife foudroyé’» du 25 octobre 2005 aux Editions Ramsay, devenu un best-seller.

Nous ne traduirons qu’un petite partie de l’avant propos de José Vicente Puente, pour bien situer le personnage que fut Manolete. «L’art, la vie et la mort de Manolete, sont une assez haute charpente pour soutenir n’importe quelle création littéraire. Toute éloge de ce maestro sombre vite dans la répétition. Ritournelle semblant s’inspirer du mouvement circulaire de la plaza, mais imposée en réalité par la constance des dons prodigieux de l’homme et de ses éclatants triomphes. Son inflexible dignité, ses efforts pour se surpasser, la magique autorité de sa seule présence dans une arène, cette faculté jamais vue de composer une faena poignante quel que soit le toro » .

Voici donc sa biographie très écourtée, le lecteur plus méticuleux étant renvoyé aux ouvrages cités ci-dessus.

De l’enfance à la guerre civile (1917-1936).

De son vrai nom, Manuel Laureano Rodríguez y Sánchez, dit « Manolete », est né à Cordoue le 4 juillet 1917. Sa généalogie montre un lien de parenté avec Rafael Molina “Lagartijo”, premier Calife de Cordoue, ainsi qu’un autre avec un second Rafael, le fameux Guerrita (1892/1962), second Calife de Cordoue. Mais ce n’est pas tout, car Manolete était, entre autres ascendances taurines, fils et petit-fils de torero. Son père (qui portait le même apodo, « Manolete ») était le second époux de Doña Angustias Sánchez, veuve du maestro « Lagartijo Chico » (1880-1910) avec lequel elle eut trois enfants, un garçon (qui ne vécut pas) et deux filles. De la seconde union naquirent trois filles et un garçon (Manolete). Cette mère restera dans le cœur de Manolo sa vie durant, telle une icône. Il l’idolâtrait, dira-t-il un jour en aparté…!

Le petit Manuel naquit presque cinq ans après les épousailles du couple, célébrées le 3 novembre 1912. A deux ans, atteint par une pneumonie, on le prenait déjà pour un enfant déficient mental. Chétif, un maigre visage, de grands yeux noirs avec un regard absent et un air attristé et morose qu’il gardera jusqu’à sa mort. Craintif, il était atteint d’une grande timidité (qui le troublera en permanence dans ses futures amours, avouées ou non).

A la mort de son père le 4 mars 1923, le petit Manuel allait sur ses six ans. Placé très jeune dans l’internat des Salésiens, et peu enclin à l’école, avec une enfance un peu gâchée, il déserta souvent l’établissement courant 1929. A douze ans donc, il commença à fuguer régulièrement pour se rendre chez le ganadero Don Ricardo López au lieu dit « El Lobatón », puis à treize ans, ce fut chez Florentino Sotomayor, grand éleveur de toros d’encaste Santa Coloma que le menèrent ses escapades. Il y reçut d’ailleurs son tout premier coup de corne (au niveau de l’aine).

La même année, il joue les practicos en public à Montilla, petite ville d’environ 23.000 habitants située à 46 kilomètres au sud de Cordoue. Il y estoqua pour la première fois et gagna cinq douros à l’issue de la course.

A l’âge de quatorze ans (1931), il débuta en becerrada dans les placitas alentour. A Cabra (soixante kilomètres au sud de Córdoba), il obtient sa première oreille lors d’un festival. Engagé milieu 1933 dans un troupe comique, « Los Califas », qui se produisait dans toute la province, il assura la partie sérieuse du spectacle pendant un peu plus d’un an. Essuyant beaucoup de cogidas, il commença, avec tous ces becerros plus ou moins aptes au toreo, à payer le prix du sang. Manuel l’adolescent avait un talent encore bien caché (sa timidité n’arrangea rien), et il était volontaire et obstiné à souhait. Durant cette saison 1933, il traversa les Pyrénées pour venir en France chercher fortune, avec de biens maigres contrats (car n’étant qu’un novillero débutant et à peine connu). Les deux grandes arènes du sud-est de la France, Nîmes (en juin) et Arles, eurent , dit-on, l’occasion de le voir passer.

C’est à Linares, à seize ans (1933), qu’il estoqua un novillo (toro de moins de quatre ans). Courant août 1934, il toréa à Cordoue pour la première fois. Mais il ne porta vraiment le traje de luces en novillada piquée que le 1 octobre 1934, à Ecija (province de Sevilla), avec peu de bagages dans sa « portaequipajes a ropas » (malle à habits). Les novillos appartenaient à la ganaderia de Doña Enriqueta de la Cova.

C’est le père de Luis Miguel Dominguín, Domingo, qui lui donna un contrat pour les arènes de Tetuán de las Victorias, tout près de Madrid, le 1 mai 1935. Au cartel, Manuel Rodríguez, les mexicains Liberio Ruiz, Silverio Pérez et Varelito Chico, face à des novillos d’Esteban Hernández. Détail : Manolete était annoncé sous le nom de “ Angel Rodriguez”. Mais tout ceci passa plus ou moins inaperçu, car ce dernier ne fit pas grand chose devant ce bétail d’Esteban, et s’en retourna dans sa ville natale, frustré et complètement dépité. Mais c’était mal connaître l’individu et son tempérament hors norme qui allait lui permettre de rebondir. Le 3 mai 1936, il était de retour à Cordoue devant du bétail de Sotomayor, avec Felix Almagro et Pascual Marquez, puis le 15 juin suivant, il y paraissait pour la dernière fois avant la guerre civile et y coupait les deux oreilles et la queue d’un de ses adversaires du jour.

Lorsque arriva la guerre civile, tout comme les autres apprentis toreros, Manolete eut bien du mal à se frayer un chemin car même les petits cachets devinrent rarissimes.

Mobilisé un temps durant le conflit, il eut la chance d’être remarqué par un certain José Flores « Camará », torero retiré, qui lui permit de toréer sous le Régime de Franco, dans des cartels à caractère “patriotique”, ce qui ne plut pas à tout le monde, vu le contexte.

Biographie rédigée par Henry Sabatier. Correction, mise en page et illustration : Paco.