Entretien avec Baptiste Cissé et son mentor Richard Milian.

Rencontré à La Paluna fin octobre, Baptiste Cissé nous a livré ses réflexions sur sa carrière. Richard Milian nous a aussi confié quelques éléments sur Baptiste et sur son rôle auprès de lui et de quelques jeunes toreros.

Paco : Baptiste, comment es-tu venu au toreo ?

BC : j’ai toujours été attiré par la tauromachie depuis mon plus jeune âge, donc depuis que j’ai 4-5 ans, tout simplement parce que ma famille allait beaucoup aux corridas. C’était quelque chose qu’on faisait en famille, chaque année on allait aux ferias de Mont de Marsan, Dax et Bayonne.

Paco : où habites-tu ?

BC : J’habite à Josse dans les Landes, un village situé juste à côté de Saint Vincent de Tyrosse.

Paco : à quel âge as-tu assisté à ta première corrida et comment t’es venue l’idée de toréer ?

BC : Je devais donc avoir 4 ou 5 ans. Je savais que chaque année on se retrouvait avec tous les cousins, les oncles, les tantes, pour faire la feria. On s’habillait de rouge et blanc et on allait voir les corridas. Avec le temps on s’intéresse à ce qu’on va voir. Et surtout le toro qui est un animal qui m’a toujours fasciné. Et aussi les costumes, enfin tout ce qui peut attirer un enfant vers les arènes.

Paco : et à quel âge as-tu touché ton premier capote, ou ta première muleta ?

BC : Mon premier capote je l’ai touché à 17 ans. Ça a été très tard, tout simplement parce qu’avant j’avais demandé à mes parents d’intégrer une école taurine mais ils n’ont jamais voulu. J’ai donc attendu ma majorité pour aller à la rencontre du Maestro Richard Milian chez lui, dans sa propriété. On s’était croisé dans l’hiver lors d’une remise de prix, parce que j’avais fait de la course landaise auparavant. Je lui ai dit que je rêvais de faire ça depuis que j’étais tout gamin, il m’a dit « passe à la maison  et on verra ce qu’on peut faire ». Il faut savoir que la plupart commencent beaucoup plus jeunes. Moi j’avais déjà un âge avancé. Je suis donc allé chez lui, j’ai participé à un premier entrainement, il m’a ouvert les portes et ça fait maintenant presque 6 ans. C’était en 2012.

Paco : c’est par la course landaise que tu as eu un premier contact avec le bétail ?

BC : Exactement. Vers 15-16 ans, je suis parti en course landaise. C’était une façon pour moi de rentrer dans les arènes. Je faisais ça comme un loisir, ce n’était pas du tout ma passion mais ça me permettait d’approcher d’un peu plus près du bétail brave. Mais je savais que ce n’était pas ça que je voulais et que la seule chose qui m’intéressait c’était les toros.

Paco : Tu as pratiqué la course landaise dans quelle spécialité ?

BC : J’ai été sauteur pendant trois ans ( Ndr : il a  tout de même été Champion de France des Jeunes Sauteurs et vainqueur du trophée de la Madeleine de Mont de Marsan et des Fêtes de Dax).

Paco : Tu intègres donc ensuite l’école de Richard Milian à 18 ans. As-tu continué tes études à ce moment-là ?

BC : J’ai passé un baccalauréat spécialité commerce, puis j’ai poursuivi en BTS management des unités commerciales. J’ai terminé mes études en 2016, c’était ma deuxième année en sans picadors et ça commençait à tourner pas mal. J’ai donc décidé de me consacrer uniquement à ça.

Paco : combien de temps as-tu passé en novillada sans picadors ?

BC : Trois ans, mais enfin plutôt deux saisons complètes car la première année il n’était pas prévu que je débute et puis j’ai dû remplacer quelqu’un et j’ai donc fait mes débuts dans le sud-est (en 2014) à Saint Laurent d’Aigouze. Suite à cela, j’ai fini la saison en tuant cinq toros et c’est vraiment l’année d’après que ça s’est vraiment lancé. J’ai toréé 17 novilladas dans le sud-ouest et dans le sud-est, et aussi en Espagne. On peut donc dire que j’ai fait officiellement deux saisons (2015 et 2016).

Paco : Durant ces deux saisons en sans picadors, quel type de bétail as-tu affronté ?

Tout. En sans picadors j’ai rencontré tout ce qu’on peut avoir en France. Entre 2015 où j’ai toréé 17 novilladas et 2016 où j’en ai toréé 28, j’ai rencontré pratiquement le bétail de tous les éleveurs français. Il doit certainement en manquer quelques-uns mais je ne saurais pas dire lesquels.

Baptiste Cissé à Bouillargues

Paco : Ton passage en Espagne, c’était à quelles occasions ? Bolsins ? Echanges ?

A l’occasion d’échanges. J’ai toréé à Los Santos, à côté de Salamanca, et aussi à Torremolinos, près de Malaga.

Paco : Deux incursions donc en Espagne, et jamais de bolsin ?

Aucun bolsin en Espagne. En France j’en ai toréé un ici chez Vincent Fare et le bolsin de Nîmes Métropole où j’avais été qualifié.

Paco : Passons à tes débuts en piquée.

BC : J’ai débuté en avril 2017 à Mugron avec une novillada de El Añadio dont on attendait beaucoup, qui était jolie, bien présentée mais qui malheureusement a manqué de fond, de moteur. Ça a été malgré tout un début réussi, je m’étais beaucoup préparé. je pense que c’était le moment de passer en piquée vu la bonne saison précédente. Un très bon début, de très bonnes sensations. Ce qu’on attendait c’était ça, passer à un toro plus âgé, qui réfléchit plus, avec un rythme qui change. Là on a déjà une autre approche, on n’est pas face à une chose qui va et qui vient, c’est quelque chose qu’il faut attendre et qu’il faut conduire. L’enseignement que je tire de cette saison 2017, c’est le fait que je me sente à l’aise avec ce rythme du toro plus âgé.

Baptiste Cissé à La Paluna

Paco : Combien de novilladas cette année et avec quels élevages ?

BC : Quatre : une ganaderia espagnole, El Añadio à Mugron, Patrick Laugier (Dos Hermanas) à Mont de Marsan, Curé de Valverde à Orthez, Jalabert et Dos Hermanas (novillada-concours) à Millas. Ensuite une fiesta campera à Font Granada (chez Damien Donzala) en début de saison avec un toro de Tardieu, une très belle matinée où j’ai pu me régaler, puis d’autres fiestas camperas aussi.

Paco : Richard Milian est-il toujours à tes côtés ?

BC : Le Maestro Richard Milian m’accompagne toujours, depuis mes débuts. Une personne à qui je fais énormément confiance. On a une complicité très importante, et je pense que c’est fondamental pour progresser, pour avancer sans se poser de questions sur les personnes qui nous entourent.

Paco : Que t’apporte Richard ?

BC : Enormément de choses, tant sur le plan technique que sur le plan mental. C’est une personne que j’admire beaucoup. Sa façon de  préparer, de mentaliser les choses, ça met en confiance.

Paco : Parle nous de ta préparation.

BC : Comme je me consacre uniquement au toreo, j’ai le temps de me préparer. Comme beaucoup de toreros, je m’entraîne physiquement, je cours, …. Je vois le Maestro trois fois par semaine, on passe des après-midi entières à s’entraîner. Chacun met sa petite touche, certains font du footing, d’autres utilisent la corde à sauter, d’autres vont dans des salles de sport. En bref, pour moi, du sport et du toreo de salon.

Baptiste Cissé à Fourques

Paco : Une saison 2017 qu’on peut qualifier de positive. Qu’en est-il des perspectives pour 2018 ?

BC : Oui, une saison 2017 positive, avec encore des choses à travailler. Justement ça me fait plaisir d’être aujourd’hui à cette fiesta campera qui remplace Rodilhan, parce que ça permet de travailler, de progresser, tout en restant un peu dans l’ombre, sans le costume de lumières. C’est une approche différente. Quant à l’année prochaine, j’espère avoir beaucoup d’opportunités, j’espère rester dans le positif et aller crescendo. J’espère confirmer les bonnes sensations que j’ai eues cette année un peu partout, dans le sud-ouest comme dans le sud-est, en Espagne. Je n’ai aucune frontière.

Paco : Une deuxième saison en piquée qui se profile. Est-ce que tu commence à penser à l’alternative ?

Non, pas pour le moment. Je vis au jour le jour. Si tout va bien, les opportunités viendront. Le plus important c’est de continuer comme ça, faire une saison plus chargée, en démontrant à tout le monde, sud-ouest, sud-est et Espagne, que je suis là, que je suis présent.

Paco : Tes points forts et tes points faibles ?

BC : Je crois que j’ai des facilités au capote, avec je pense des capacités plus techniques qu’artistiques. A la muleta, je me suis très bien senti cette saison, je n’ai jamais ressenti que j’étais à court de capacités devant un toro. Je pense que c’est important de se sentir à l’aise et de savoir ce qu’on fait. C’est tout le travail qu’on fait avec le Maestro qui porte ses fruits. Le gros point à améliorer, c’est la mise à mort. C’est une chose que tous les toreros cherche à perfectionner, c’est sur ce point que je cherche la régularité. Durant cette saison, il m’est arrivé de mettre de bons coups d’épée, et aussi de pincher. C’est ce qu’il ne faut pas si on veut couper des trophées. Le plus gros du travail consistera donc à améliorer la mise à mort.

Paco : L’alternative rêvée par Baptiste Cissé : où et avec qui ?

BC : (Rires). L’idéal pour moi serait Bayonne où je suis né, ou Dax qui est près de chez moi. Quant au parrain rêvé, j’admire beaucoup Alejandro Talavante et aussi Sébastien Castella. Un rêve de gamin.

Paco : Avec de tels parrains, on imagine des toros comme les Garcigrande, Victoriano del Rio, …

Sûrement, mais on n’en est pas encore là, la question ne se pose pas encore.

Paco : On finit donc sur ce rêve, et tout ce qu’on peut te dire, c’est « Suerte » pour la suite de ta carrière.


Rencontre avec Richard Milian.

Paco : Richard, je viens de discuter avec Baptiste. Peux-tu évoquer pour nous son parcours et ses perspectives d’avenir ?

RM : Je connais Baptiste depuis environ trois ans, puisqu’il est venu à l’école taurine à un âge assez avancé. Il a été champion de France des sauteurs, en espoir, et il est venu ensuite tardivement au toreo. Il a frappé à la porte. Ses parents ne le laissaient pas toréer en tauromachie espagnole, il a donc franchi le pas tardivement. Il avait déjà une conviction, ça c’est important. Quand à 19 ans il a fait le choix, il a eu alors l’autorisation de ses parents. J’ai vu que déjà il avait des capacités physiques, des capacités mentales, un comportement exceptionnel en tant qu’individu, de la droiture. Bref des qualités d’homme auxquelles j’attache beaucoup d’importance avant de savoir ce qu’il sera capable de faire. J’ai senti alors qu’il y avait là une source saine, éduquée, et là je me suis dit : pourquoi pas ? Ça va être compliqué parce qu’il est déjà âgé et finalement en trois ans il s’est hissé à un niveau qui vraiment me surprend. Parce qu’il est impliqué, parce qu’il est dedans, parce le toreo, ce n’est pas uniquement répéter les gestes que tu as appris, c’est les vivre, et les vivre le plus intensément possible. Et donc il est passé rapidement avec picadors, au bout de la troisième année, parce qu’il était âgé et qu’il a avancé vite. Ça, c’est pour le positif. Dans le négatif, ce que je lui reproche, qu’on se reproche, car je me sens impliqué dans son évolution, c’est l’épée. Il a un soucis mais c’est d’ordre mécanique, ce n’est pas d’ordre psychologique. Il a un gros problème, il a perdu énormément d’oreilles cette année. On avait visé quatre ou cinq novilladas, finalement on va en faire six ou sept, avec chaque fois une sortie très positive mais toujours avec la faille de l’épée. L’épée, c’est un peu comme au football, si tu joues très bien mais que tu ne marques pas de buts, tu ne vas pas en finale.

Paco : Le mot matador signifie tueur …

RM : Voilà, c’est ça. Le mot dit tout.

Paco : quelles perspectives pour la temporada 2018 ?

RM : Cette année le but a été atteint, c’est-à-dire de faire quatre ou cinq novilladas, car il y avait tout de même dans le groupe (des novilleros français) des novilleros comme Adrien Salenc ou Tibo Garcia qui marchaient fort et qui avaient la main mise, entre guillemets, sur le marché de la tauromachie avec picadors. Et donc j’ai dit à Baptiste « on va rentrer par la petite fenêtre, par la petite fissure, tu vas faire trois ou quatre trucs dans des arènes avec le bétail le moins impressionnant possible pour que tu puisses t’adapter », et en définitive  on les a faites avec un résultat technique sur le terrain cape-muleta affirmé, sauf que quand on était dans la surface des 18 mètres (Ndr : toujours allusion au foot), transversale, poteau, on n’a pas marqué des buts à cause de l’épée. Donc la qualité est toujours là, ce qui était envisagé a été réussi, mais avec une certaine amertume par rapport à ces buts qui ne sont pas marqués, et donc qui, par rapport à l’année prochaine, risquent peut-être d’interroger certains. Ce qui est sûr, c’est que c’est une valeur sûre. Je le répète parce que c’est très important, avant d’être un grand homme dans l’arène, il faut être un homme dans la vie. C’est un monsieur dans la vie, responsable, respectueux, serein. Maintenant il faut qu’il soit plus déterminé au moment de l’épée, on est en train de bosser dessus. Aujourd’hui on y est, il a encore quelques petits toros en privé grâce à des clubs taurins adorables qui nous donnent un coup de main, grâce à le gentillesse de Serge Alméras qui nous a donné cette ouverture en substitution de Tibo Garcia. Tout ça, c’est que du bonheur, mais ce bonheur, il ne faut pas le déguster, comme un gâteau à la fraise, il faut le vivre comme un jambon salé et justement s’en servir pour se poser les vraies questions, notamment celle de savoir si on veut paraître ou être. La détermination, c’est au bout du poignet, au bout de l’épée. Voilà, pour conclure, j’ai dit toutes les qualités qu’a ce garçon.

Gamarde. De gauche à droite, Victor Mendes, Mathieu Guillon, Richard Milian, Patrick Varin, Julien Lescarret et Stéphane Fernandez Meca. (Photo : Jean-Michel Dussol)

Paco : L’objectif, c’est une quinzaine de novilladas pour 2018 ?

RM : Il vaut mieux ne pas parler de chiffre. On ne sait pas où on part, le plus important c’est de partir le plus tôt possible et de confirmer. A partir de là, si on en fait 10-15, ça sera magnifique. Il y en a qui les font mais c’est aussi un petit peu lié aux résultats, et à ce fameux ballon au fond des filets. S’il n’y a pas ce ballon au fond des filets, ce n’est que des souhaits ou des ambitions qui n’auront pas d’aboutissement.

Paco : Le marché espagnol peut-être ?

RM : Bien sûr, on a vu que la marché espagnol n’est pas posé. Il y a des novilladas importantes en Espagne, des ferias comme Algemesi, Arnedo. D’ailleurs c’est un ancien petit de mon école, Yanis (El Adoureño), qui l’a eu cette année (Ndr : le Zapato de Oro d’Arnedo) en remplacement justement de Tibo Garcia. Moi je n’ai pas envoyé Cissé parce que je voulais qu’il arrive à plus de maturité, parce qu’il a des soucis à l’épée. Mais je suis fier et heureux que ce soit un torero français qui soit allé en Espagne. Il n’y a pas que Jalabert et Castella qui ont franchi le mur, et nous qui sommes les anciens pionniers, on s’est battu, on n’a pas réussi à ouvrir vraiment les failles. Maintenant les espagnols sont tellement reconnaissants qu’il n’y a pas de drapeau qui compte. Le seul drapeau, c’est celui des gens nobles, des gens vrais, de ceux qui aiment la corrida. Il n’y a plus de Pyrénées. Pour en terminer, heureux que des français aient été reconnus de l’autre côté des Pyrénées. Il faut d’abord être reconnus chez nous, c’est en train de se faire et pour la suite, essayer de surprendre de l’autre côté des Pyrénées.

Paco : Est-ce que tu vas continuer à le suivre ?

RM : Oui, tant qu’il ne prend pas plus de force et d’ambition. Si jamais il part, ça sera bon signe, ça prouvera qu’il a besoin d’avoir quelqu’un qui a plus de force que moi. Moi, je les prépare du mieux que je peux, je les accompagne un peu, un petit peu comme les enfants maintenant. Normalement vers 20-25 ans, ils doivent partir mais il y en a qui ont trente-cinq ans et qui sont encore chez papa-maman. Ce n’est pas bon signe mais bon, on est les papas et les mamans. Moi, je joue un peu ce rôle-là, je suis là pour les préparer, les avoir endigués dans ce domaine-là, les avoir construits. Après j’essaye de les appuyer, de les aider, mais pas de les entretenir. Essayer d’être là. Ensuite ils rentrent dans ce marché, mais tu sais, dans ce milieu, il y a beaucoup d’appelés et très peu d’élus. C’est pour ça que « je leur bouge un petit peu le cul » pour qu’ils se rendent compte qu’à leur âge, ça passe très vite et qu’il ne faut pas laisser passer des occasions.

Dorian Canton à Bouillargues

Paco : De combien d’élèves t’occupes-tu en ce moment ?

RM : J’en ai quatorze, entre ceux qui ont dix ans et celui qui a vingt-cinq ans, qui est matador de toros. C’est Mathieu Guillon, qui est encore un élève d’Adour Aficion  et qui est encore un apprenti de la vie et de la tauromachie, moi en la matière j’en découvre tous les jours. J’en ai un en piquée, c’est Baptiste Cissé. Il y a Dorian Canton et Yon Lamothe qui vont fonctionner aussi, et derrière c’est les CE1 et les CM2 qui arrivent avec un rêve d’enfant pas forcément très ancré dans le professionnel.

Mathieu Guillon à Mont de Marsan (Photo : Romain Tastet)

Paco : Tu continues donc à aider Mathieu ?

RM : Oui, oui. Aider c’est le mot. Le soutenir moralement, techniquement il y est. Il a eu cette corrida de Victorino Martin, une façon de dire qu’il existait, qu’il était encore là. Mais bon c’était Victorino Martin et quelque part ça n’a été ni une défaite, ni une réussite. C’est toujours l’entretien, le maintien, ce n’est pas un défi non plus, c’est dire à travers ça « regardez, Messieurs, je veux être torero, je suis encore là, je vais en péguer une. Je sais que je ne vais pas être à la hauteur des deux compagnons qui sont à côté de moi qui ont un autre gabarit. Mais donnez-moi un petit peu une ouverture pour être devant des toros normaux pour peut-être après développer autre chose. C’est une catégorie qui ne me correspond pas mais au moins je ne me dégonfle pas et je vais exister. On me propose ça amicalement, je ne peux pas le rejeter. Le truc il en est là, c’est qu’on n’a pas avancé, on n’a pas reculé, parce que Victorino, il faut être d’un cran et d’une capacité un peu différentes, et surtout une préparation auparavant beaucoup plus déclarée.

Richard Milian à Gamarde (Photo : Jean-Michel Dussol)

Paco : Que devient le torero Richard Milian ? Où s’est déroulé ton dernier festival ?

RM : A Gamarde, où symboliquement je n’ai jamais coupé autant d’oreilles et de queues que depuis que je suis à la retraite. Il faut dire que c’est de la générosité pour papy. Papy fait de la résistance ! Sincèrement me mettre devant le toro, ça ne me dit plus rien. Même quand il y a des entraînements avec des vaches avec les petits, ce que je n’ai pas pu faire à trente ans, je ne vais pas le faire maintenant à soixante. Par contre j’ai une deuxième partie de vie qui est aussi intense, aussi importante et que je vis avec autant d’intensité, d’amour et de passion, cette deuxième partie de vie à suivre, à programmer, à préparer, à construire de futurs toreros. Et surtout à ne pas leur mentir, à leur dire que moi  je n’ai pas tout compris au départ non plus et que j’apprends tous les jours. Pour terminer, faire la demi-véronique, le mot de la fin, c’est que la tauromachie est une école de la vie où la plus grande des qualités, c’est l’humilité. Etre humble n’empêche pas d’être grand, sinon tu ne dures pas longtemps.

Paco : Merci, Richard. « Etre humble n’empêche pas d’être grand », une phrase qui peut tout à fait s’appliquer à celui qui vient de la prononcer. Long chemin, Maestro, et beaucoup de succès dans cette seconde vie, tout aussi dense que la première.

Propos recueillis par Paco le 22 octobre 2017 à La Paluna.
Photos : Jean-Michel Dussol, Romain TastetPeyrelongue Peïo (course landaise – Peio Passion Taurine.com) et Paco.