Bayonne. Retour sur la Feria de l’Atlantique.

Etant en Espagne lors de la Feria de l’Atlantique de Bayonne, petit retour en arrière avec les reseñas de Jean-Michel Dussol.

Vendredi 1er septembre (matin). D’immense novillos du Lartet et l’apparition d’un jeune Mexicain.

Un petit quart d’arène, temps couvert avec quelques gouttes de pluie. Une heure et demi de spectacle.

Quatre novillos du Lartet, parfaitement présentés, tous de grandes noblesse, mais vendant chèrement leur peau.

  • El Lauri (bleu roi et or) : au premier, une entière, salut.
  • Dorian Canton (vert et or) : au deuxième, une entière, trois descabellos, vuelta.
  • Arturo Gilio (rose et or), une entière, un descabello, deux oreilles et vuelta au toro.
  • Alvaro de Faranda (moutarde et or ) : au dernier, une demi-lame, silence.

Les éliminatoires du concours des novilladas sans picadors de Dax se sont terminés avec un immense novillo du Lartet, d’origine Sanchez Arjona. Mais toute la course fut marquée par la grande noblesse et la force des novillos de Jérôme et Paul Bonnet. Le premier applaudi à l’arrastre, le troisième récompensé d’une vuelta posthume, presque tous applaudis à leur entrée. L’éleveur pouvait savourer une excellente sortie dans ces arènes de Lachepaillet où il a souvent rencontré le succès.

Alvaro de Faranda, malheureusement  n’a pas eu tous les recours nécessaires pour le mettre totalement en valeur. Pourtant l’animal ne demandait qu’a boire la muleta.

Les trois autre novillos (trois premiers) par la couleur de leur robe ne pouvaient pas nier leur sang Cebada Gago.

El Lauri, malgré sa bonne volonté, attaquant à la cape, deux faroles à genoux et une superbre demie, n’a pas pu s’imposer totalement devant un novillo qui, dès le début, avait manifesté vouloir demeurer le maître. Quelques belle séries sur la main droite, terminées par un pecho. Voilà de quoi faire prendre confiance au garçon qui ne tarde pas à être désarmé et se fait rapidement déborder.

Dorian Canton, échouera à la mort et ce n’est jamais bon dans une telle confrontation. Il avait pourtant plutôt bien débuté par un tercio de cape dominateur, puis enchaînait par une longue série de derechazos, longs, bas et lents. Il les illuminait, de temps à autre par quelques naturelles.

Arturo Gilio, le petit mexicain, fut une découverte pour tous les aficinados, mais aussi une belle révélation. Il ne pouvait pas mentir sur ses origines à la vue de son tercio de cape, très varié dans le classicisme. C’est assez rare dans la tauromachie sud-américaine. Gaonera, farol, véronique, tout était parfait interprété sur la partition de sa personnalité. Là aussi, un grand novillo qu’il ne laisse pas passer, décomposant ses passes à l’extrême limite de la lenteur, saupoudrant ces merveilleux muletazos de trincheras et changements de main. Un artiste qui valait bien qu’on le retrouve en finale.


 

Vendredi 1er septembre (tarde). Les Los Maños font plier Younes et Salenc.

Semi-nocturne à 19 h 30. Novillada d’ouverture. Petite demi-arène, nuages et soleil avec menace de pluie, température fraîche, deux heures trente cinq de spectacle.

Six novillos de Los Maños, très bien présentés, de robes variées, du noir au presque blanc, tous à la limite des quatre ans, tous deux piques, le deuxième vuelta de campana et applaudi à l’arrastre, le quatrième et le cinquième applaudis à l’entrée, vuelta posthume pour le troisième. A la muleta compliqués mais tout de même toréables.

  • Andy Younes (bleu ciel et or) : au premier, un pinchazo, un mete y saca, avis, silence ; au troisième, deux pinchazos, un mete y saca, un quart de lame, un descabelle, avis, silence ; au cinquième, cinq pinchazos, une demi-lame, un avis, silence.
  • Adrien Salenc (bleu foncé et or) : au deuxième, un pinchazo, une entière, avis, silence ; au quatrième, un pinchazo, une entière, salut ; au dernier un pinchazo, une entière, silence.

Apostille. Une minute d’applaudissements a été observée à la mémoire de Damaso Gonzalez qui avait souvent combattu à Bayonne. Manolo de los Reyes de la cuadrilla d’Adrien Salenc a salué pour la pose des banderilles au quatrième toro.

Une ou deux heures après la course, à l’emblématique restaurant du Trinquet Moderne où plane à jamais la personnalité de Jean-Marie Mailharro, mon voisin, basque de Saint-Sébastien, expliquait que l’on avait vu avec ces six novillos de los Maños, de véritables «bocadillos» avec une tranche de foie gras entre le pain. Il exagérait un peu, cinq auraient suffi à résumer la course avec d’excellents combattants, parfaitement présentés… Mais avec quelques aspérités que les novilleros ont éludées au lieu de les dominer. Une novillada, un mano a mano de competencia entre Andy Younes, qui se présente dans quinze jours à Nîmes pour recevoir l’alternative, et Adrien Salenc, qui veut conforter sa position parmi les tout premiers. Mais une malédiction semblait planer sur l’arène. Rarement les deux garçons, et surtout Younes, n’ont été aussi pauvres au moment de tuer. A s’élever au-dessus des silences, un seul salut, celui de Salenc qui aurait pu s’offrir une vuelta sans être vilipendé.

Andy Younes, ouvrait les hostilités avec grande classe, une passe de châtiment avec un changement de main ! Du grand art, de la technique épurée, mais ce fut bien la seule chose remarquable de la faena et des deux autres combats qui suivirent. Certes il maintiendra très bas sa main droite à laquelle il imprime lenteur et rythme. Il n’aura pas le temps d’attendre les naturelles, que le toro s’éteignait déjà.

Il atteignit le sommet de son savoir avec le second adversaire qu’il maîtrisa parfaitement. Certes il n’insista pas à gauche où il fut rapidement avisé mais nous offrit un grand ballet à droite, avec un final sans l’épée, dessinant à la perfection ces subtiles naturelles de la droite. Il avait un adversaire auquel on offrit une vuelta… alors que son frère prédédent la méritait cent fois plus.

S’il venait d’entrouvrir le flacon, il disparut bien vite avec son dernier adversaire qui allait vite s’éteindre et chargeait à peine. Une course à oublier, surtout à quinze jours de l’alternative.

Adrien Salenc fut surpris par la vitalité des Los Maños, mais avec quelques passes de châtiments, il calma le novillo qu’il maîtrisa assez rapidement. Il put ainsi offrir quelques séries de derechazos, très bas et très lents. De temps à autre une naturelle et une trinchera. Un ensemble agréable.

Par contre, à son retour, après une bonne série de véroniques, on trouve un Salenc parfaitement maître de lui qui torée sur les deux mains avec lenteur et harmonie. Sa faena est délicieuse. Elle valait bien une oreille, mais dans la monotonie et le froid qui tombait sur Lachepaillet, bien trop peu sortirent leur mouchoir… Le garçon aurait pu forcer une vuelta, par honnêteté il donna rendez-vous au novillo suivant…

Mais ce fut le pire qui arriva : l’animal le moins mobile. Il fut obligé d’arracher passe après passe et vite contraint d’aller chercher l’épée.

Adrien Salenc s’est trouvé entraîné dans une spirale qui l’a dépassé… Les mises à mort difficile de Younes et un lot, compliqué, combattif et encasté.

Pour l’aficionado les cinq premiers novillos de Los Maños ont tenu toutes les promesses de leur nom.


Samedi 2 septembre. Le triomphe de Juan Bautista et de Paco Ureña.

Première corrida de la Feria de l’Atlantique, arènes occupées au trois-quarts, temps frais avec des passages ensoleillés, deux heures trente de spectacle.

Six toros de El Freixo, bien présentés, de 539 à 510 kilos, tous deux piques, quelques uns compliqués à la muleta, surtout les plus décastés du lot.

  • Juan Bautista (rioja et or) : au premier, une entière, silence ; au quatrième, une entière a recibir, deux oreilles.
  • Paco Ureña (vert et or) : au deuxième, un pinchazo et une entière, une oreille ; au cinquième, un pinchazo et une entière, deux oreilles.
  • Andrès Roca Rey (rouge et or) : au troisième, une demi-lame et une entière, salut ; au dernier, une demi-lame et un descabello, avis, salut.

Les toros d’El Freixo on parfaitement réussi leur entrée à Bayonne, permettant une belle sortie en triomphe pour Juan Bautista et Paco Ureña. Des adversaire sélectionnés par leur confrère El Juli qui ont permis une corrida très « entretenida », mobile, avec un peu d’agressivité et se livrant dans la muleta pour d’intéressantes faenas. Une course qui a enchanté les aficionados à los toros et un peu déçu les autres.

Juan Bautista, avec toujours cette sérénité et une farouche envie de toréer qui le caractérise tout au long de cet été taurin, découvrait son sujet avec beaucoup de classicisme. Il avait sûrement hérité du plus mauvais du lot auquel il servit une grande série sur la main droite très applaudie. Par la suite il baissa de tonalité, ne pouvant inventer indéfiniment un adversaire qui allait a menos. Au retour avec « Nitido », le combat changea d’âme. Un surprenant tercio de cape enchaînant une série de véroniques dont trois ou quatre à genoux… A la muleta ce ne fut qu’interprétation personnelle du derechazo permettant un changement de main pour trouver une naturelle très temple. Un vrai bonheur pour le torero dont le visage s’illuminait d’un immense sourire… Il fallait en terminer par un point d’orgue, un recibir d’école l’apporta, et aussitôt le toro au sol, les deux mouchoir qui jaillissent du palco sans la moindre hésitation.

Paco Ureña, s’affirme un peu plus chaque jour. Il traversa d’abord quelques difficultés mais une série à droite réussie lui fait prendre confiance. On retrouve le torero, mais, trop confiant, il se fait bousculer et ne reprend le dessus que difficilement. Son coup d’épée magistral lui vaudra un trophée. Il va donner toute la mesure de son art avec le cinquième, un certain « Notificado ». Une cape magique, avec deux immenses véroniques… Il prend la muleta avec ce même esprit pour des muletazos à droite bien dessinés et construit avec une extrême lenteur. De temps à autre on voit jaillir des pechos qui soulèvent le toro. A gauche les choses s’enchaînent mal, il est obligé d’arracher les passes une à une. Vers la fin, le toro se complique et Ureña est obligé de se battre sur les cornes. Une belle leçon de courage et de tauromachie.

Andrés Roca Rey, que beaucoup étaient venus voir triompher, fut, sur ses deux toros, un peu en-dessous de sa réputation. Mais attention, ses faenas révélaient quelques pépites de haute valeur, notamment avec son premier adversaire une immense série, un festival de naturelles d’une étonnante pureté. Avec le second, on eut l’impression qu’il avait trop fait monter sa faena  et qu’il ne put tenir ce rythme jusqu’au bout. Là aussi de nouvelles pépites dans les changements de main. Le succès n’était pas au rendez-vous mais les gestes sont toujours aussi purs.


Dimanche 3 septembre (matin). Une finale des NSP à oublier.

On pourrait aussi dénommer cette course : « Au désespoir de Jean-Louis Darré« .

Depuis plus de dix ans qu’il vient à Bayonne où il a connu d’immenses succès, les quatre erales de dimanche n’avaient rien à voir avec ce que l’on connaît du Camino de Santiago. Un lot essentiellement faible et cette condition en a entraîné beaucoup d’autres, notamment un manque de charge et la faculté de répéter dans la muleta.

Aussi la confrontation, sur deux erales chacun, entre Manuel Diosleguarde et Arturo Gilio, le mexicain (ci-dessus), a rapidement tourné court, Manolo Diosleguarde empochant cependant le titre ayant signé deux vueltas alors que le Mexicain s’est seulement octroyé deux saluts.


Dimanche 3 septembre (tarde). Le triomphe majeur de Castella.

Plus de trois quarts d’arène, temps couvert, température agréable, deux heures trente cinq de spectacle.

Sept toros d’Antonio Bañuelos, le troisième changé par un sobrero du même fer. De 559 à 467 kilos, tous deux piques, le cinquième honoré d’une vuelta posthume, très toréables à la muleta.

  • Antonio Ferrera (rose vif et noir) : au premier, trois-quarts de lame, quatre descabellos, deux avis, silence ; au quatrième, trois-quart de lame, trois descabellos, silence.
  • Sébastien Castella (rouge et or) : au deuxième, une entière, un avis, deux oreilles, au cinquième, une entière al encuentro, deux oreilles, vuelta au toro.
  • José Garrido (blanc et azabache) : au troisième, une entière, salut ; au dernier, un quart, puis trois-quarts de lame, un avis, salut.

Pour terminer la Feria de l’Atlantique à Bayonne, Sébastien Castella a illuminé les arènes d’une tauromachie brillante, harmonieuse et particulièrement efficace. En quatre oreilles il écrit un nouveau record sur ce sable où il a souvent rencontré le succès. Heureusement le biterrois de naissance était là pour donner un intérêt majeur à ce lot de Bañuelos qui aurait, par moment été un peu fade.

Antonio Ferrera a ouvert la course avec une certaine volonté, acceptant de poser les banderilles à la demande du public. Il le fit avec beaucoup de savoir, posant à cornes passées sans avoir l’air de tomber dans ce travers. Par la suite, il va toréer sans imagination sur la main droite, en réduisant la charge de son adversaire. Il ne prendra la gauche que très tard, mais tout dans cet ensemble n’est que de peu de saveur. Quand il revient, à la cape il se sauvera plus qu’il ne s’imposera. A la muleta, on trouvera un garçon très parallèle et se tenant très loin de l’adversaire. Manifestement il ne veut pas toréer et tue avec cette même volonté d’estoquer sans se jeter dans les cornes. Il était loin de ses qualités habituelles.

Sébastien Castella signe deux grandes véroniques pour accueillir son premier adversaire. Surprenante ouverture de la faena où les premières statuaires débouchent sur une naturelle très sensuelle. Ensuite il cite de loin et ouvre d’importantes séries…, jusqu’à une vingtaine de passes dans le même minuscule terrain. Changement de main très subtil pour partir sur la gauche, toujours dans ce sacré petit terrain. Par la lenteur, les sentiments exprimés, Castella atteint des sommets. Il est parvenu à ces sommets grâce à son picador qui a particulièrement bien dosé les deux châtiments. On a trouvé un immense torero. On le savait. Il nous l’a démontré. Peut-être les deux premières oreilles furent généreuses, les deux secondes totalement gagnées.

José Garrido a tout de même été un peu décevant, ne trouvant pas toujours le bon toreo et le sitio excellent. Avec le premier, il sera rapidement débordé et sa faena n’a que peu d’intérêt. Par contre on retrouve, pour terminer, un garçon très à l’aise à la cape et qui après avoir brindé au public se souvient de l’immobilité de Castella et tente de l’imiter. Mais la distance n’est pas bonne. Il est obligé de rompre. Mais il revient chaque fois avec courage. L’ensemble est obligatoirement un peu décousu…, jusqu’à cette dernière réaction où il met le toro en valeur dans quelques derechazos suivis de pechos. Sans grande réussite, il aura tout de même démontré son courage.