Arles. 9 septembre. Puerta Grande pour El Juli.

La traditionnelle Corrida Goyesca arlésienne s’est soldée une nouvelle fois par une sortie a hombros. Cette fois c’est El Juli qui, seul, emprunte la Puerta Grande après avoir laissé ses compagnons, Juan Bautista et Cayetano, sortir par leurs propres moyens.

Les cieux, longtemps grincheux, avec une pluie fine et persistante qui dura jusqu’à l’heure de la corrida, s’éclaircirent enfin et le spectacle put se dérouler normalement devant un public occupant les trois-quart de l’amphithéâtre.

Côté toros, les Domingo Hernandez (1°, 2°, 3°, 4° bis et Garcigrande (4°, 5° et 6°) firent leur boulot avec plus ou moins de zèle, les premier, deuxième et quatrième bis un peu au-dessus du lot. A noter que le quatrième, de Garcigrande, se cassa une patte au second tiers et fut remplacé par un Domingo Hernandez.

Côté animation, prestation haut de gamme pour la musique, avec un orchestre Chicuelo II au mieux de son répertoire et un trompettiste d’exception, Pancho Flores, les deux accompagnant magistralement les évolutions des piétons. Bel écrin également pour cette Goyesca avec un décor original et très coloré né de l’imagination de l’artiste peintre Hervé Di Rosa.

Deux antis sautèrent en piste à l’issue du premier combat d’El Juli. Ils furent rapidement maîtrisés par la sécurité et les forces de l’ordre. Fort à propos, Chicuelo II interpréta la Coupo Santo, puis la Marseillaise qui fut reprise en choeur par tout l’amphithéâtre, signifiant ainsi que le peuple du toro, fort de son droit, comptait bien ne pas se laisser marcher sur les pieds par les liberticides. Grand moment de communion et d’intense émotion dans les arènes.

El Juli, de retour dans les arènes qui l’avaient vu gracier un Domingo Hernandez en 2013, nous a montré qu’il reste l’un des tout meilleurs toreros de sa génération. Le madrilène maîtrise son art à la perfection, et le technicien qu’il a toujours été a laissé place à un Maestro détendu et serein, jouissant de son métier, pour le plus grand plaisir d’un public très vite rallié à ses arguments. Certes on pourra lui reprocher, avec raison, de ne toréer exclusivement que des toros provenant de ganaderias par lui choisies (celles du jour notamment) et de ne pas toujours se comporter avec une totale sincérité face au bétail, lors des estocades notamment (le fameux « julipié »), mais le voir toréer comme il l’a fait lors de cette Goyesca est un vrai plaisir pour les yeux.

Il accueillit ainsi son premier par quelques correctes véroniques et demie, puis le présenta face au lancier pour une ration de fer modérée. Quelques chicuelinas conclurent ce premier tiers. Muleta en mains, Julian prit la mesure de son adversaire sur les deux bords avant de baisser la main, à droite d’abord pour de profondes séries de derechazos, s’enroulant ensuite le bicho à la ceinture par circulaires inversées. A gauche ensuite Juli s’étira pour de longues naturelles templées avant de conclure par un « julipié » un peu à plat qu’il compléta par un descabello. Oreille. Suivit l’épisode des antis pendant la vuelta, épisode sur lequel il est inutile de s’attarder car c’est leur faire trop d’honneur.

Le quatrième fut reçu par tafallera et véroniques avant d’échapper à la cuadrilla pour se précipiter vers le picador. Après un court châtiment, puis un picotazo, le madrilène signa un beau quite par lopecinas. Julian se laissa ensuite convaincre par le public qui lui demanda de poser les banderilles, ce qu’il fit en compagnie de Juan Bautista, les deux clouant en poder a poder avant que le Garcigrande ne se casse une patte. Sortit en remplacement un Domingo Hernandez que le madrilène accueillit par véroniques et demie avant une pique light et un picotazo. Gagnant le centre, El Juli démarra une faena ambidextre d’une remarquable construction, alternant les deux mains avec beaucoup de puissance, obligeant l’animal sans pour autant le brusquer. Trasteo de grande intensité d’un Maestro dans la pleine possession de ses moyens et conclu cette fois d’une estocade honnête après pinchazo. Longue résistante du toro qui au final laissa ses deux oreilles dans les mains du madrilène. Vuelta fêtée pour un torero radieux. Après l’indulto de la veille à Valladolid, El Juli a quitté Arles avec trois oreilles. Le palmarès s’étoffe.

Juan Bautista est lui aussi dans la plénitude de son métier. Sûr de lui, serein, il maîtrise son art et il semble que rien ne soit en mesure de contrarier son parcours, si ce n’est quelquefois le manque de consistance de l’opposition. Ce fut le cas ce jour pour son second combat où le bicho ne tint pas la distance, finissant a menos et l’empêchant de s’exprimer pleinement. Sans cela, nul doute que l’arlésien aurait accompagné son ami par la Puerta Grande.

Le premier adversaire de Jean-Baptiste fut un peu long à fixer. Après quelques véroniques et demie, il prit deux rations de fer de moyenne intensité entrecoupées d’un quite par véroniques et larga. Le garçon composa ensuite une faena toute d’autorité et de douceur, alternant les deux bords avec de précieux changements de main par devant, citant le toro avec la pointe de la muleta (façon Ponce) ou étoffe repliée pour des cartuchos de pescao, malgré une paire d’extraños que le torero aguanta avec vista. Difficile à cadrer, le Domingo Hernandez fut envoyé ad patres d’une entière contraire tendida complétée par un descabello. Oreille.

Le quinto fut accueilli par une larga cambiada afarolada de rodillas près des planches, puis très vite capté par véroniques électriques et demie. Ce Garcigrande s’engagea fort pour une première rencontre, désarçonnant le picador lors du second voyage. Jean-Baptiste montra ensuite qu’il était un capeador accompli en signant un beau quite par gallosinas et revolera. Il rendit ensuite la politesse à El Juli en l’invitant au second tiers : poder a poder et violin pour l’arlésien, sesgo por fuera pour le madrilène. Débutée par passes hautes de rodillas, la faena s’étoffa par des séries droitières douces et templées, le passage à gauche s’avérant tout aussi efficace avant que le Garcigrande ne s’éteigne, faisant retomber le soufflé. Jean-Baptiste insista, mais le moteur avait cessé de fonctionner. Entière desprendida après pinchazo, descabello. Salut au tiers.

Cayetano, le « people » de la tauromachie, n’est pas qu’une figure de mode. Il l’a montré dans l’amphithéâtre arlésien, il sait toréer, mais sa tauromachie appliquée et propre ne transmet guère d’émotion, même si quelquefois il parvint à séduire lors de trop brefs passages. Certes son premier adversaire était fade et il était difficile de transmettre quoi que ce soit. Mais son second avait plus de présence et là le toreo de Cayetano manqua un peu de consistance.

Face au troisième Domingo Hernandez, le cadet des Ordoñez signa quelques véroniques rématées par une serpentina, une passe qu’il redessina lors de la mise en suerte au cheval. Deux piques pour l’animal, pompée la première, courte la seconde, puis salut des banderilleros pour un second tiers rondement mené après un quite d’El Juli par cordobinas. La faena ambidextre de Cayetano fut élégante, proprette mais sans aucune transmission, toro et torero se confondant dans la grisaille. Entière au troisième assaut après deux pinchazos, l’ensemble sans grand engagement. Silence.

Le sixième bénéficia de quelques véroniques lentes et templées avant de désarmer le garçon qui, étoffe récupérée, poursuivit ensuite à l’identique. Après une courte ration de fer en faisant chanter les étriers, puis un picotazo, Cayetano dessina un quite par véroniques et revolera. Débutée sur la droite, la faena, de correcte exécution, fut agrémentée par quelques longs pechos toréés au maximum, des détails trop rares dans un ensemble à nouveau sans grande transmission. Le bicho finit a menos, tout comme la faena de Cayetano qui s’acheva à nouveau en trois assauts : tiers de lame à plat, pinchazo, entière tendida complétée par un descabello. Palmas.

A l’issue du paseillo, minute d’applaudissements pour rendre hommage à Ivan Fandiño, à Damaso Gonzalez et aux membres du mundillo disparus.

Reseña et photos : Paco.
Photo du ruedo : Mikaël Fortes