Elaborée sur les fondations du souvenir, du respect des autres, de la reconnaissance des jeunes et des moins jeunes talents, Méjanes s’habillait de Fête comme chaque année en ce 4ème samedi de juillet.
La 46ème édition du Rejon d’Or fut empreinte, comme à son habitude, d’originalité qui fait la spécificité du domaine Paul Ricard : convivialité, tradition, qualité…
C’est la volonté du grand homme que perpétue Michèle Ricard avec le Club Méjanes qui soufflait ses 10 bougies. Cette 36ème Féria devait se dérouler sous le signe de la Femme. Avec la présence de la 23ème Reine d’Arles, c’est neuf des anciennes reines qui s’étaient costumées aux côtés de la maîtresse des lieux pour y être mises à l’honneur.
Notre hôtesse porte toujours le costume avec beaucoup de distinction. En soie ou cotonnades, selon les heures du jour ou les circonstances, on pouvait croiser également Françoise Margé montant en amazone un beau gris, mais aussi Virginie Ricard et ses adorable fillettes. Elles affichent fièrement leur attachement à nos belles coutumes. Inès se montre de plus en plus à l’aise, micro en main, toujours aussi complice avec sa grand-mère.
Ce sont aussi dix femmes engagées dans la défense de nos cultures et de nos traditions que Michèle Ricard a voulu honorer de la médaille emblématique afin de souligner la sincérité de leur engagement : Nais Lesbros, Florence Clauzel, Aude et Aurélie Raynaud, Julie Bousquet, Amélie Emanuel, Martine Clément, Anne Clergue, Ambre Libérator et Clémence Faivre.
La fin de matinée avait déjà connu un moment d’intense émotion lors de l’arrivée en piste de la symbolique route équestre Camargue-Doñana, les Calèches du Delta se proposant de reproduire le prodigieux parcours initié par Francisco Ortiz Acuna en 2013. Rejoint à présent par des cavaliers catalans, le projet s’étoffe pour tendre à se pérenniser selon le souhait de Paco Ortiz.
Dès le vendredi soir, un cocktail de cavaliers-dresseurs donna le coup d’envoi de cette Féria 2017.
Le point culminant fut, bien sûr, la corrida du Rejon d’Or, ou plus exactement la rencontre du Minotaure (fils de Minos et de Pasiphaée) opposé au Centaure. Fruit des amours de Ixion et Néphélé, le Centaure ne symbolise-t-il pas le culte rendu à ces peuplades primitives qui se livraient au dressage des chevaux sauvages ? De fait, l’image qui nous est renvoyée est celle d’un être mythique parfaitement uni à sa monture.
Il est dit que les Centaures étaient des êtres violents, sauvages et brutaux…. Ils ne supportaient pas le vin !… N’imaginerions nous pas une légende selon laquelle Paul Ricard aurait crée une boisson anisée pour adoucir leur mœurs. Ces senteurs de Provence secrètement et habilement travaillées nous transportent-elles pas vers des rêves inaccessibles ?…..
De nos jours, le centaure désigne un cavalier qui se fond dans son cheval avec une assiette profonde, lui donnant un liant hors du commun. Il s’ensuit une maîtrise parfaite du cheval.
Oserai-je enfourcher Pégase pour chanter la gloire de Méjanes ? Oh, Muses des poètes, légendaire Hippocrène, je bois à ta source, je bois à ta fontaine. C’est en chevauchant Pégase, harnaché d’une bride d’or offerte par Athéna, que Bellérophon put caracoler autour de la Chimère et tuer le monstre.
Ces étranges symboles légendaires emprunté à la mythologie ne nous entraînent-ils pas vers l’affrontement tauromachique qui va suivre ?
Le moment tant attendu était la présentation de Guillermo Hermoso de Mendoza. Il était l’attraction et n’a pas déçu les nombreux aficionados qui avaient fait le déplacement. Devant des arènes pleines le fils du Maestro effectuait ses débuts français devant deux novillos de Capéa….
Le célèbre trophée, le fameux Rejon d’Or devait se disputer entre la tenante du titre 2016, Léa Vicens, et Pablo Hermoso de Mendoza, qui montra d’entrée de jeu qu’il venait pour le gagner.
A la barrera, aux côtés de Paco, attentif au moindre détail, un invité de marque, inconditionnel du Navarrais, discret à la mesure de son talent, avait pris place : José Maria Sanchez Cobo, célèbre écuyer de l’Ecole Royale Andalouse d’Art Equestre.
Avant que ne s’ébranle le paséo, c’est le numéro gagnant des Etoiles de Méjanes qui avait l’honneur d’ouvrir le spectacle. Clémence Faivre déroula ensuite une reprise spectaculaire et originale, alliant les principales difficultés de la haute école au travail à pied, le cheval dénudé. La complicité et le brillant du bel Isabelle a séduit l’assistance.
Les toros de l’élevage Sampedro ont donné un jeu intéressant, sortant en piste avec beaucoup de piquant. Le meilleur fut le second de Mendoza, le plus faible le premier de Léa, le plus compliqué étant le premier de Pablo qui sortit très fort, coupant du terrain et galopant à côté du cheval.
Mendoza brinda à l’empresa Luc Jalabert ce premier Sampedro qui portait le n° 14. Deux châtiments cloués avec Churumay furent nécessaires pour calmer ses ardeurs. Berlin et Deco menèrent rondement la faena de banderilles de face le plus souvent à étrier. Nevado, trois courtes et une lame entière qui aurait pu laisser espérer une oreille. Le public resta muet, la présidence de marbre. Mendoza pouvait mesurer ainsi la difficulté, souvent esquivée, d’être chef de lidia.
Le quatrième de la course, le n° 11 était le second opposé au Navarrais. Ce dernier montra qu’il n’avait pas l’intention de laisser passer cette dernière chance. Rentrant aux changements de pieds au temps avec Alquimista, il se contenta d’un seul châtiment qu’il cloua de face. Il enchaîna plusieurs bâtons de face avec Januca et Dali avant de conclure avec Nevado de trois courtes et d’une paire à deux mains. Une entière fit apparaître deux mouchoirs au balcon.
Le premier de Léa Vicens se coucha avant la fin, ne permettant pas à la cavalière d’utiliser le rejon de mort. La faena fut cependant bien conduite et les deux châtiments furent bien placés avec Bach. Le n° 8 sortit un peu distrait. Il se fixa dès les premières morsures mais s’agenouilla plusieurs fois. Betico et Deseado furent excellents. Le toro fut sifflé à l’arrastre. La cavalière fut ovationnée.
Comme Mendoza, Léa tira les enseignements de son premier combat. Toréant en cinquième position le n° 7, elle se contenta d’un seul châtiment qu’elle cloua, en selle sur Guitarra. Le bicho alla au bout et permit de moments avec Gacela, Betico, Bazuka au plus haut niveau. Le meilleur bâton fut le second de Bazuka et un violin de Betico. Deux roses avec Greco. Une lame avec Espontaneo lui valut une oreille avec forte pétition de la seconde. Léa très applaudie, oreille en main lors de la vuelta ; la présidence entendra la bronca.
Le jeune Guillermo était opposé à deux novillos de Carmen Lorenzo (Capéa). Son premier portait le n° 36. C’est avec Napoléon qu’il cloua un bon castigo, un peu derrière, mais dont la dimension nous sembla plus convenir à un toro qu’à ce petit novillo qui accusa le coup. Ce dernier fera plusieurs génuflexions et se couchera même pendant le combat. Disparate et Baco furent complices de sa réussite. Avec Baco, le jeune Hermoso nous régala de deux quiebros arrêtés spectaculaires Trois courtes et une entière, après pinchazo avec Pirata, lui valurent deux oreilles. Il fit une vuelta très fêtée.
Le dernier novillo de Capéa portait le n° 9. Plus sérieux de présentation, il sortit avec du piquant et nécessita deux castigos que Guillermo posa jumellement avec Barrabas. Disparate pour deux banderilles de face, suivies de contre changements de main. Avec Donatelli pour des bâtons également de face cloués à l’étrier et des pirouettes à la tête pour rematar la suerte. Une blessure à la main droite rendit compliqué le dernier tercio : un pinchazo, 3⁄4 de lame, trois descabellos lui firent perdre les récompenses sans altérer l’enthousiasme du public qui applaudit le novillo à l’arrastre et qui fêta Guillermo lors de la vuelta.
Ce dernier sortit à hombros aux côtés de son père après avoir reçu un souvenir pour marquer symboliquement l’événement, remis en piste par Michèle Ricard. Pablo reçut le Rejon d’Or de la part de Philippe Savinel en présence de Nais Lesbros et de Dominique Perron.
Avec deux oreilles pour chacun des Mendoza et une oreille pour Léa Vicens, bonne édition que ce 46ème Rejon d’Or et examen de passage réussi pour le jeune Guillermo.
Agé de 18 ans seulement, il faut bien reconnaître que le garçon a beaucoup de chance. La toute première étant d’avoir un bon professeur. La seconde, d’avoir à sa disposition d’excellents chevaux, de véritables stars qui ont fait leur preuve sous la selle de son Maestro de père. Il ne lui reste qu’à avoir un peu de talent. Pour paraphraser Jacques Brel : «Le talent est d’avoir envie de faire quelque chose».
Nul doute qu’il est à bonne école et que bon sang ne saurait mentir.
Compte-rendu : Freddy Porte.
Photos du Rejon d’Or : Yves Porras.
Autres photos et diaporamas : Michel Naval.