Mont de Marsan. 23 juillet. Des Adolfo d’un autre siècle laissent une oreille à Emilio de Justo.

Cinquième et dernière corrida de feria, arènes combles, nuages et soleil, température agréable, deux heures quarante cinq de spectacle.

Six toros d’Adolfo Martin, bien présentés, très typés Albaserrada et certains Saltillo, redoutablement armés. Tous deux piques, le dernier trois châtiments, toujours beaucoup de bravoure au cheval. A la muleta, compliqués et dangereux.

  • Alberto Aguilar (rose pâle et or), au premier, trois-quarts de lame, un descabello, silence ; au quatrième, un pinchazo, une entière, silence.
  • Emilio de Justo (bleu marine et or), au deuxième, un pinchazo, trois-quarts de lame, huit descabellos, silence ; au cinquième, un entière, un descabello, avis, une oreille.
  • Alberto Lamelas (blanc et or), au troisième, quatre pinchazos, une entière, avis, salut et départ pour l’infirmerie ; au dernier, deux pinchazos, un quart de lame, un descabello, avis, vuelta.

Il est des moments où l’on se demande si l’on ne change pas de siècle… surtout si six toros d’Adolfo Martin jaillissent sur le sable de Mont-de-Marsan. On n’est plus habitué à voir de pareils monstres et les toreros ne se pressent pas pour les affronter… Mais avec de tels phénomènes, près de trois heures de corrida qui sont passées sans que l’on ne s’en rende compte, près de trois heures d’émotion et de peur avec six monstres sortis de l’enfer de la finca d’Adolfo Martin, tous portant les caractéristiques de leur origine dans leur pelage et leurs cornes. Près de trois heures du terrible jeu de la vie et de la mort. La feria de Mont-de-Marsan s’est terminé sur une note « torista » particulièrement prononcée. Pas un aficionado qui ne regrettera cet après-midi de toro.

Mais tout l’intérêt était sûrement dans la présence de trois maestro qui se sont livrés à fond pour s’imposer sur ces bêtes d’un autre monde.

Alberto Aguilar n’est assurément pas le plus chanceux. Il a chaque fois payé sans rechigner et a tout fait pour danser à la pointe des cornes. Mais il n’a pas toujours été suivi. Son combat le plus intéressant s’est déroulé avec «Repolito», son second adversaire. Il a dû aller le chercher, passe après passe, arracher des semblants de séries face à des cornes qui zébraient l’air pour tuer l’homme. Tout s’est déroulé à la pointe des cornes. Mais on n’a plus l’habitude de voir de telles faenas. En tout cas, rien à critiquer.

Emilio de Justo, valeureux, mais aussi chanceux, coupe la seul oreille de l’après-midi… Au début rien n’était acquis surtout avec ce troisième, lui aussi un spadassin aux réactions les plus imprévisibles. Mais il en fallait plus pour perturber le torero. Il a vite compris, on ne sait comment, que sa chance était avec le cinquième, un certain «Sombrerillo». Il est monté à l’assaut, cape en mains, avec quelques véroniques parfaites. Très rapidement, sur la main droite il a enthousiasmé le public, par la précision de ses gestes, mais aussi par son courage. Ce fut un combat de corps à corps, pas question de rechercher l’harmonie, seule l’efficacité comptait et finalement Emilio de Justo trouvait une juste récompense avec une épée qui accompagnait son succès.

Alberto Lamelas a tout fait pour renouveler son succès de 2016 devant les Miura. Il ne reculera jamais, mais il sera envoyé au sol, une blessure qui nécessitera son passage par l’infirmerie. Mais avant il avait poursuivi avec beaucoup de réussite sur la main droite. A son retour, avec le dernier toro, il signera un immense tercio de cape. A la muleta quelque passes à droite avant de basculer sur l’autre main et de commencer une faena parfaite. Mais rapidement le toro déserte. Il tente tout, mais l’animal gratte et ne veut pas suivre la flanelle… Alberto devra s’y reprendre à plusieurs reprises avant de tuer. Il termine épuisé porté par la ferveur de toute l’arène.

Les toros d’Adolfo Martin ont laissé la grosse impression de la feria. Mais surtout ils ont dû frapper les esprit dans le Sud-ouest où ils n’étaient pas nombreux à oser les mettre à l’affiche. Ce fut presque de l’archéologie taurine, des toros d’un autre siècle… Le pari de Mont-de-Marsan était gagnant car l’on reparlera longtemps de cette course.

Reseña et photos : Jean-Michel Dussol.
Diaporama : Romain Tastet.
Vidéo : Alain Garres.