El Fundi. Le temps de l’insouciance.

Alors qu’on annonce le retour ponctuel d’El Fundi à Istres le 25 juin prochain, petit retour en arrière, sous la plume de Marc Vargas, sur la jeunesse d’un garçon que la France a adopté et qui en a fait une Figura. 

Les belles années.

Alors simple novillero con picadores, il pose avec en fond le fameux mur de briques ocres des arènes de Las Ventas, témoignage de ce que furent les plus belles années de torero de  José Pedro Prados El Fundi.

En effet, dans ce sourire, plane un parfum d’innocence, celui que l’on affiche hélas trop rarement lorsque le poids des années nous éloigne chaque jour un peu plus de l’enfance, lorsque sous le poids des responsabilités, ce sourire se transforme inexorablement en un rictus forcé, teinté de nostalgie.

Nous sommes au milieu des années 80.

Enrique Martín Arranz, alors Directeur de la prestigieuse Ecole Taurine de Madrid, prend sous son aile  « Joselito » , « El Fundi » et « El Bote ». Trois inséparables gamins qui, à l’époque, ont usé leurs culottes courtes dans la poussière de la « Venta Del Batán ». Une amitié teintée de bienveillance et d’alliance s’est forgée entre ceux qui composeront « le trio gagnant » de lécole taurine madrilène, une camaraderie d’autant plus soudée par l’émulation de toréer partout, toujours ensemble, à l’image de trois frères, sous l’égide du «pater familias». « Peu importe où l’on va  tant que l’on est ensemble »…telle pouvait être leur devise.

Enrique Martín Arranz, un peu à l’image du père « Mozart »,  expose ses joyaux, alors tout juste novilleros sin caballos, ses trois petits princes du toreo aux quatre coins de l’Espagne. Ce faisant, ne serait ce pas détruire une amitié encore innocente que de trop les révéler au public ?

Inévitablement, le parfait triptyque finirait par se disloquer. Palabrer sur ce sujet n’est plus de mise à l’heure du passage à l’échelon supérieur, à cet instant où « la barbe pousse plus vite » (Juan Belmonte)

Alors que la plupart des novilleros tentent déjà d’échafauder un plan de carrière, la boule au ventre, Joselito, El Fundi puis El Bote continuent, toujours chaperonnés par Martín Arranz, leur cavalcade effrénée : tout est parfait, rien ne manque : les contrats affluent et, face à un public séduit, presque protecteur, les trois toreros se livrent une competencia* bon enfant; Comment pourrait-il en être autrement ? Ils ne sont encore que des enfants ! Mais les critiques taurins par contre ne sont pas des enfants de chœur : Il est temps pour ces jeunes d’apprendre, fût-ce à contre-cœur, la véritable competencia, celle qui fait mal, celle aussi qui rend fier.

La presse spécialisée, les empresas*, et surtout le taureau, principal acteur, ont jeté leur dévolu sur Joselito : il deviendra figura*; El Bote ira loin; quant au petit Fundi, pour vaillant et courageux qu’il soit, sa petite taille lui fera sûrement défaut, pense-t-on…

 La fin de l’apprentissage en novilladas piquées (1986) approche et « El Señor  Arranz » n’est plus l’unique et précieux garde du corps attitré des trois enfants devenus adultes.

Andalousie. En avril 1986, ce sera dans les arènes de Málaga, là où se mêlent la fragrance du jasmin, le sel de la méditerranée et le sable du ruedo, que Damaso Gonzalez adoubera Joselito. Ce dernier se verra confirmé, avec le titre de Matador, quelques jours plus tard à Madrid, par le grand Curro.

Pour le « petit » de la bande, l’alternative viendra un an plus tard : à mi-chemin entre son village et la plus grande arène du monde. Ce sera Villaviciosa de Odón, village à la réputation de Vallée de la Terreur*.

Cette photo prise dans le patio de Las Ventas à peine quelques années auparavant semble déjà jaunie ; le sourire enfantin a laissé place au fameux profil d’aigle sérieux et… lavé de toute illusion.

Cette alternative s’apparente à un triste pot d’adieux entre collègues.  Joselito et El Bote sont présents, en amis. Ils reviendront dans la capitale confirmer à José Pedros Prados qu’il est bien Matador de toros.

Bayonne, 1991 face aux Miuras les sourires sont crispés!

Un de ces nouveaux matadors qui rapidement remplira la longue liste des hommes habillés de lumières et qui pourtant  passent la plupart de la temporada en jogging à tuer des toros imaginaires. Mais heureusement pour le Maestro de Fuenlabrada, le Mundillo est aussi versatile qu’un Miura coupé d’un Fraile et c’est la France qui deviendra la terre d’asile d’un matador en perdition. Finalement, le petit de la pandilla*, ayant grandi à coup de castagnes face à des cornus plus hostiles que la malaria dans toutes les plazas deviendra, à sa façon, une figura*.

Et il fallut attendre le jour de sa « despedida » pour que brille à nouveau sur son visage son sourire « novillero».

Tyrosse. Jour de despedida. Même insouciance ?

Amis aficionados, si vous cherchez à revoir ce même sourire, faites un détour par l’Ecole Taurine de Madrid où son nouveau Directeur, José Pedro Prados Martín apprend à de jeunes toreros à garder une petite part d’insouciance au creux de leurs muletas…

par Marc Vargas (www.marc-vargas.fr – L’Envers du Mundillo-)

Lexique.

* Competencia: Rivalité (bon enfant) entre toreros.

* Vallée de la Terreur: ensemble de petites arènes aux alentours de Madrid réputées pour le sérieux du bétail présenté.

* Pandilla: familièrement la bande d’amis (dans ce cas précis).

Photos: Marc Vargas sauf « El Fundi en Madrid » (photo de « Jesús »)