Tel est le titre de la biographie que le Colonel Gabriel Cortes a consacré à l’écuyer James Fillis.
Ce dernier est né en Angleterre puis s’est expatrié en France à l’âge de 8 ans. Cet écuyer atypique rencontre très tôt François Baucher, qu’il admirera avant de le critiquer plus tard. Le jeune Fillis recevra l’enseignement de Baucher, par l’intermédiaire de François Caron.
Comme Baucher, Fillis travaille au cirque. Il a pour ami et élève Georges Clemenceau. Il semble que ce dernier ait prêté sa plume pour écrire l’ouvrage de Fillis : « Principes de dressage ». Le député remuera ciel et terre pour faire obtenir à son maître le poste d’écuyer en chef à Saumur. Mais en vain, tant l’opposition est forte. Malgré le talent qu’on lui reconnaît, on ne lui pardonnera pas d’être anglais et saltimbanque.
Fillis avait la réputation d’être très solide en selle. Il fera l’objet de nombreuses polémiques et controverses même si l’on reconnaît sa virtuosité en haute école, sa position à cheval est fortement critiquée.
Il s’enorgueillit d’avoir dressé pas moins de 40 chevaux en haute école alors qu’il n’a que 50 ans. Il pense doubler le chiffre s’il parvient à l’âge de Baucher.
Il a fait exécuter à ses montures les airs de fantaisie les plus sophistiqués comme le galop en arrière, le galop sur 3 jambes…
Il n’y a guère qu’en tauromachie à cheval, que l’on voit aujourd’hui, ces fantaisies équestres. Sous la selle de Diego Ventura, « Ojo » exécute le galop sur trois jambes. « Jasmin » esquisse quelques foulées en arrière au galop sous la selle de Léa Vicens. Jadis, je me souviens qu’ Angel Peralta exécutait le galop en arrière avec « Zacateca et Ruisenor ».
Fillis avait une idée bien précise du cavalier idéal qui, pour mériter ce titre, devait être capable de gagner une course plate, gagner un steeple, monter un cheval d’école et monter un coquin.
Gabriel Cortes a fait un travail de bénédictin, méthodique pour relater les évènements marquants de la vie de ce grand écuyer du 19ème siècle.
On découvre malheureusement que malgré son talent, Fillis manque de modestie et fait même preuve d’outrecuidance, se croyant toujours obligé de rabaisser les autres.
Il critiquera Baucher sans qui, il sera malgré tout obligé de l’admettre, il n’existerait pas. Il reconnaîtra notamment que la méthode de Baucher était extraordinaire pour réduire les défenses du cheval, pour le conserver et le mettre en équilibre.
Le travail de l’auteur met en valeur le talent d’exécutant du grand écuyer qui se produisit à une époque où l’on se rendait au cirque en habit les soirs de première, comme pour aller à la Comédie Française. On y rencontrait le Tout Paris chic, des officiers, des St-Cyriens, le ban et l’arrière ban des sportsmen…
Tout cela est évoqué dans le contexte social et politique du 19ème siècle.
En 1897, Fillis après une tournée au cirque en Russie sera sollicité pour devenir écuyer en chef de l’Ecole Centrale de Cavalerie de St Petersbourg. Une revanche…
Il eut cinq enfants dont quatre devinrent écuyers, se produisant sous les plus grands chapiteaux notamment aux Etats-Unis. Sa fille Ana Fillis sera une amazone très appréciée. Ses neveux font aussi une belle carrière dans les grands cirques américains.
Cet ouvrage, qui n’est pas un traité d’équitation, même si quelques pages nous livrent le règlement du dressage du cheval d’armes, est édité par les éditions Belin ; il permet au lecteur de se faire une idée de la vie de ce grand écuyer du 19 ème siècle qui, à plus de 70ans, dressait encore des chevaux qu’il envoyait aux Etats-Unis pour que ses fils puissent s’y produire. Il mourut en France dans la solitude d’une clinique parisienne en 1913.
Freddy Porte