Les Critiques Taurins du sud-est ont rendu hommage à René Chavanieu.

_dsc4531La section sud-est de l’Association des Critiques Taurins de France (ACTF) a rendu hommage dimanche dernier à René Chavanieu.

Voici quelques années, le Prix Nimeño II a été créé pour rendre hommage à une personne ou une entité ayant oeuvré pour la défense de la Fiesta. Les critiques taurins du sud-est ont choisi cette année de l’attribuer à René Chavanieu.

Celui qui, du haut de ses 92 printemps, doit être l’un des doyens, si ce n’est le doyen des aficionados de l’hexagone, s’est vu remettre le prix par Patrick Colléoni (votre serviteur), président de la section sud-est, lors d’un repas organisé en son honneur dans un restaurant nîmois.

Celui qui fut l’un des plus assidus spectateurs des corridas dans l’amphithéâtre gardois a régalé ses hôtes de quelques anecdotes savoureuses au point qu’il nous fut permis de regretter qu’il n’ait pas rédigé ses mémoires.

Membre de l’Union Taurine Nîmoise pendant des lustres, pourfendeur des tricheurs armés de scies et de limes, mayoral à la ganaderia Riboulet, l’homme a tout connu et n’a laissé sa place au toril bas des arènes qu’à regret il y a deux ans pour raison de santé, ce qui ne l’empêche pas d’assister aux tertulias et autres soirées taurines qui rythment toujours son quotidien.

capture-decran-2016-11-20-a-10-01-33Quoi de plus normal que de mettre en avant ce militant de la première heure, lui qui a toujours défendu la Fiesta avec passion et désintéressement. Longue vie à toi, Chacha, pour qu’il y ait encore un aficionado parmi les centenaires du nouveau siècle !

(Photo de gauche à droite : Fanny et Olivier Riboulet, René Chavanieu, Agnès Péronnet, Pierre Cournac et Patrick Colléoni)

Ci-dessous deux textes de René Chavanieu, le premier daté de 1998 lors d’une réception par Los Chicos, le second où il évoque le regretté Christian Montcouquiol « Nimeño II ».

_dsc0206« Lorsqu’on me demande d’évoquer mes grands souvenirs de Nîmes, tout de suite me vient a l’esprit la corrida du 14 mai 1989. Dernière année d’activité de Nimeño II.

Nous allions voir un mano a mano Mendes/Nimeño, avec des toros de Guardiola-Dominguez, encore costauds à l’époque. Ce fut la corrida de la peur… en piste et sur les gradins. Le seul à avoir gardé sa sérénité fut bien notre Nimeño national qui, à cause du manque d’opportunité des peones de Mendes, blessé au tercio de banderilles à son premier adversaire, transforma le mano en mano en « un contre six ». Et attention, pas des bichos préalablement choisis pour la circonstance !

Après avoir terminé le travail de Mendes, Christian se retrouva entre les pattes de celui qui, par le fait, devenait son deuxième adversaire. Ce qui eut pour effet d’augmenter encore la pression sur les gradins, et ce jusqu’au cinquième. « No hay quinto malo » (il n’y a pas de mauvais cinquième), et ce fut vrai, avec un auroch de 605 kg, qui prit quatre grosses piques. Aujourd’hui encore je me demande si je n’ai pas rêvé.

Pour reposer son torero, la cuadrilla s’apprête à banderiller, mais le maestro s’interpose et prend les palos. La seconde paire fait lever les spectateurs qui suivent, tendus, une poursuite très serrée jusqu’à la barrière. La faena se déroule au toril où j’ai ma place depuis au moins trente ans. Christian nous sert de très bons derechazos au ralenti, deux naturelles magnifiques, et pour finir, une trinchera inoubliable, laissant le toro cadré, tête basse, demandant la mort. Ce qui est le cas d’un toro dominé, donc toréé. Un grand engagement pour une petite estocade très efficace, et il récolte deux oreilles. La vuelta est accordée au bicho.

Personnellement, je ne manifeste jamais ma mauvaise humeur (sauf non respect du règlement) à un torero, aussi médiocre soit-il. Je n’oublie pas que c’est lui qui est en piste. Mais, lorsque j’applaudis, cela se voit et s’entend. Eh bien ce fameux 14 mai, au cinquième, je n’ai plus tapé des mains. Tout simplement, admiratif, plein d’une grande et profonde émotion, debout, j’ai retiré ma casquette à son passage.

Cette après-midi est restée gravée dans ma mémoire, grâce a un grand torero, mais aussi a de vrais toros. La corrida n’est pas un spectacle aseptisé où l’on voit de gentils garçons et de mignons toros faibles (pour ne pas dire plus), évoluer dans une chorégraphie bien réglée. Une corrida pour touristes où la mort du toro -ou cas extrême, mais à envisager, celle de l’homme- ne se justifie plus du tout. En revanche, si l’on assiste à un véritable combat, alors tout change. La corrida devient moralement défendable, et peut espérer survivre. Qui, ce jour là, aurait prétendu faire manger les Guardiola dans le creux de la main ? Qui les aurait assimilés à des animaux domestiques ? Combien d’anti-corrida sensés  auraient, sinon compris, tout au moins admis nos émotions ? »

Christian Montcouquiol "Nimeno II" (Photo : Sud-Ouest)

Christian Nimeño.

Christian, je l’ai connu petit (ndlr : jeune, adolescent), il a grandi dans la mouvance de ses aînés du Mont Margarot.

J’ai vu apparaître le torero en Camargue d’abord. Il arrivait avec ses copains sur son vélosolex (ndlr : solex/petite mobylette) aux ferrades de l’Union Taurine Nîmoise. Cette fréquentation des taureaux d’ici lui a apporté une familiarité des cornus, et a affiné sa vista taurine.

Il participait aussi aux becerradas et aux tientas que l’UTN organisait a Marguerittes les lundis de Pentecôte. D’année en année il progressait. Puis il a pris son envol, premières novilladas, le personnage s’affinait. Il était calme, et tuait bien. Il m’avait expliqué où il visait, juste un peu à gauche de la colonne dans le garrot.

Juste après son alternative en mai 1977 on a eu peur de sa première grosse blessure. Le prix du sang ne l’a pourtant pas arrêté et il s’est affirmé maestro.

Je me souviens de Pampelune. J’y suis allé avec ma famille durant 18 ans. Après sa première présentation à Barcelone, il a actué à Pampelune. C’etait formidable pour lui. Le public ne le connaissait pas et certains, dans les gradins populaires où nous étions, écoutaient la radio, bien fort (ndlr : il n’y avait pas d’oreillettes a l’époque !) pour savoir qui était ce garçon.

Le lendemain je tombe sur Alain et Christian (ndlr : à l’epoque on rentrait comme on voulait dans le patio de caballos). Ils étaient tout heureux. Ils m’ont dit « Chacha, c’est la première fois qu’on touche un cachet entier !!! »

Puis il est devenu ce grand torero qu’on a connu, courageux, fort, tenace, honnête. C’est d’ailleurs cette honnêteté qui a causé sa perte. Le Miura qui lui a été fatal n’était pas afeité. Mais c’est la règle. Ou plutôt c’était la règle. Si on prend la vie d’un animal, ce doit être dans le respect du combat et de son intégrité. Sinon ce n’est que du spectacle construit sur du mensonge. Nimeño n’a pas menti et je l’aime pour cela.

René CHAVANIEU