Toutes les conditions étaient réunies pour que la fête soit belle : un beau temps chaud, un léger vent pas gênant du tout et des arènes pleines d’un public venu communier avec la piste.
Les toros de Zalduendo choisis pour cette Goyesca ont joué le jeu, malgré une faiblesse dont les toreros se sont accomodés en faisant piquer correctement, voire légèrement, leurs adversaires. Au sorteo, c’est Juan Bautista qui fut le plus chanceux avec deux toros nobles et pleins d’alegria, le premier avec plus de classe que le second, mais bénéficiant d’une vuelta généreuse vu sa prestation light face au lancier.
Luis Francisco Espla était venu avec la double casquette de maître d’oeuvre d’un somptueux décor et de torero. Il a assuré sa place avec beaucoup de professionnalisme, le temps n’ayant pas eu de prise sur une technique et une expérience toujours présentes. Le premier Zalduendo sauta dans le capote de Bambi (surnom d’Espla) et accrocha un peu l’étoffe. Deux rations de fer calmèrent ses ardeurs et révélèrent sa faiblesse. Luis Francisco fit avec, signant de belles séquences ambidextres avant que le bicho ne réduise sa charge. Mais la technique du torero d’Alicante prit le dessus et la charge s’allongea pour quelques muletazos supplémentaires, l’ensemble agrémenté d’un molinete par ci, d’une trincherilla par là, toujours judicieusement placés dans la faena. Une demi-lame en place au second assaut fit apparaître au palco le premier mouchoir de la tarde.
Le second adversaire d’Espla lui permit de s’illustrer au capote, à la réception d’abord par véroniques et demies, puis lors d’un quite par navarras. Entretemps le bicho avec culbuté la pièce montée lors de la première rencontre, puis était venu prendre une seconde ration de fer pour la forme. ESplaà à l’identique de son premier combat, se montra serein sur les deux cornes, signant de belles tandas et se faisant attraper sur un extraño de l’animal, peut-être par excès de confiance. Roulé au sol, bousculé, le maestro se releva et coucha le bicho d’une quasi-entière contraire. Nouvelle oreille et quelques contusions aux côtes assorties d’une coupure au cuir chevelu.
Morante de La Puebla doit commencer à s’habituer aux sifflets et autres broncas mais qu’importe pour le garçon. Si le toro ne lui convient pas, il n’est pas homme à faire l’effort de le toréer. Ainsi en fut-il avec le premier adversaire de l’andalou. D’entrée de jeu le garçon perdit du terrain au capote. Il n’en fallait pas plus pour qu’il laisse son picador amoindrir le bicho en deux longues rencontres. La cuadrilla nous joua le jeu de la panique au second tiers. Bref, tout pour faire croire au public que le Zalduendo était pétri de défauts. Muleta en main, quelques muletazos de châtiment puis six entrées a matar plus ou moins pénétrantes et deux descabellos, l’ensemble sous les sifflets des tendidos. Grosse bronca finale après l’arrastre.
Face au quinto, Morante dessina quelques véroniques hésitantes avant de reprendre confiance pour trois autres plus affirmées assorties de la demie maison. Après une courte pique suivie d’une seconde ration plus conséquente, José Antonio prit la muleta avec d’autant plus de conviction que le bicho n’avançait plus. Suivit une faena d’infirmier représentant davantage le quotidien de l’andalou. Si l’ensemble fut assez décousu, on retiendra quelques détails tels ces naturelles de face, mais l’opposition était tellement insignifiante que l’émotion resta au degré zéro.Après une demi-lame en place une oreille tomba du palco et fut justement protestée au point que Morante la déposa sur l’estribo avant de faire sa vuelta.
Avec Juan Bautista, ce fut tout autre chose. Le garçon est au zénith de sa carrière. Sa maîtrise, sa sérénité face au toro, sa gestuelle, tout contribue à ce que chaque apparition de l’arlésien soit couronnée de succès, et qui plus est, devant toutes sortes d’encastes. Il accueillit ainsi son premier adversaire par delantales et revolera, puis le fit piquer avec modération pour lui conserver sa charge (une pique courte puis une rencontre sans châtiment). Au dernier tiers, c’est avec beaucoup d’alegria, de classe et de noblesse que le Zalduendo se prêta au jeu de l’arlésien qui signa de fort belles séries sur les deux cornes, main basse, corps relâché, l’ensemble ornementé de jolis détails tels ces circulaires enchaînées à l’endroit et à l’envers ou ces trincherillas d’école. Bref un petit bijou de faena paraphé d’une grande estocade a recibir déclenchant une pétition de trophée tonitruante. Deux oreilles et rabo pour l’arlésien, vuelta pour la noblesse et la classe du Zalduendo (on sait ce que j’en pense).
Face au sixième, reçu par une larga cambiada afarolada de rodillas suivie de véroniques, chicuelinas et revolera, Jean-Baptiste remit le couvert. Il s’offrit le luxe de prendre les banderilles après un premier tiers réduit à deux picotazos afin de préserver l’animal. Après trois poses parfaites dont deux poder a poder et un violin, l’arlésien brinda à Luis Francisco Espla une faena tout aussi bonne que la première, instrumentée sur « Caridad del Guadalquivir ». L’alegria manifestée par le bicho s’accorda avec les belles séquences proposées par l’arlésien, et la dernière faena de la tarde fut conclue par un recibir parfait. Deux oreilles de plus pour un Juan Bautista au sommet de son art. Chapeau l’artiste !
Sortie a hombros de Luis Francisco Espla, porté par son fils Alejandro et par Morante, et de Juan Bautista.
Reseña et photos : Paco.