Entretien avec Luis Francisco Espla.

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Lors de la présentation de la Corrida Goyesca d’Arles à la presse, le Maestro Luis Francisco Espla était présent. L’occasion d’une discussion à bâtons rompus avec cet homme d’une gentillesse et d’une simplicité remarquables. En voici la teneur.

Paco : Merci, Maestro, de m’accorder quelques minutes de ton temps. Que deviens-tu depuis ta despedida ?

LFE : je vis au campo en partageant mon temps entre la peinture, la lecture et la chasse. Je vis simplement, je mange normalement, je ne fume pas, je ne bois pas. J’essaie maintenant en tout d’aller à l’essentiel et de prendre le meilleur.

Paco : as-tu des toros ?

LFE : non, j’ai eu des chevaux car je me suis consacré un temps à l’équithérapie, mais des toros, non. Depuis que je me suis retiré, je vais encore voir des corridas un peu partout en Espagne, mais je sélectionne ce qui me paraît le plus intéressant. Quant à toréer, quand je me suis arrêté, c’était dans l’intention de ne plus paraître en piste, que ce soit en corrida ou lors de festivals.

Paco : alors comment est venue cette idée de participer à cette Corrida Goyesca d’Arles ?

LFE : comme pour d’autres artistes avant moi, Juan Bautista est venu me trouver pour que je décore l’amphithéâtre. Il m’a aussi proposé de toréer mais dans un premier temps j’ai refusé car, comme je te l’ai dit, j’avais renoncé à reparaître en piste. Puis l’idée a fait son chemin et j’ai été tenté de m’impliquer dans le spectacle dans sa globalité. C’est un peu être auteur pour le décor et interprête pour le toreo. C’est ça qui m’a tenté, faire partie d’un tout. Alors finalement j’ai accepté.

Paco : tu as donc repris l’entrainement ?

LFE : oui. Au début c’était un peu dur, puis les réflexes reviennent. Mais l’essentiel c’est qu’on a l’impression de redevenir vivant.

Paco : que penses-tu de la situation actuelle de la corrida ?

LFE : la corrida est dans une période difficile car les gens se sont détachés des réalités de la nature. La nature est quelquefois très dure et on est loin des dessins animés de Disney. J’ai regardé l’autre jour à la télé un reportage sur l’Afrique. Quand un animal est chassé par un prédateur, il met quelquefois vingt minutes à mourir. J’ai même vu des animaux commencer à se faire dévorer alors qu’ils étaient encore vivants. Les gens ne sont pas conscients de la réalité. On te montre à la télé comme ces jours-ci un tremblement de terre avec 250 morts. Les gens regardent mais deux jours après ils ont oublié. Dans l’arène on leur présente la mort en direct et ça les choque. Pourtant toute la vie y est représentée avec ses valeurs. On vit un peu dans une sorte de chaos où les gens ne savent pas se situer. Mais j’espère que ça va changer.

Paco : n’as-tu pas l’impression que le marché est perverti par les figuras qui veulent toujours plus face à des toros qui sont devenus plus des collaborateurs que des adversaires ?

LFE : côté toros, il faut de tout. Mais toutes les arènes ne le proposent pas. Heureusement il y a des arènes qui maintiennent un cap et qui programment ce qu’on ne voit pas ailleurs. Ça recrée un équilibre.

Paco : des arènes comme Céret par exemple, une plaza que tu connais bien ?

LFE : Céret et d’autres heureusement, même si quelquefois on part un peu dans l’excès inverse. Dans certaines arènes on propose à des toreros des toros qui ressemblent à des novillos, et inversement dans d’autres on propose aux novilleros des novillos qui ressemblent à des toros. Il faudrait un juste milieu.

La conversation aurait pu se poursuivre car l’homme est d’un intérêt incontestable, mais Espla se devait aussi à ses hôtes. Peut-être aurons-nous l’occasion de poursuivre la discussion.

Suerte, Maestro !

(Propos recueillis à Arles le 27 août 2016)