Rencontre avec Luis Francisco Espla.

EsplaNotre ami Christian Cartoux, qui collabore ponctuellement au site, a rencontré Luis Francisco Espla lors de son passage à Arles pour la présentation de la Feria du Riz.

Voici la teneur de leurs échanges.

Pourquoi revêts-tu l’habit de lumières après une si longue absence ? Quel en fut l’élément déterminant ?

Sincèrement, quand on me l’a proposé, j’ai pensé « non ». Parce que dans mon plan, je n’avais jamais inclus de revenir vers les toros, mais à travers le dessin, la décoration, tout cela, je crois que c’est la vanité qui m’a fait succomber. Plus que l’aficion, ce fut vraiment la vanité.  

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Juan Bautista, Paco Montalvo et Luis Francisco Espla

Que ressens-tu à quelques jours de ce nouveau rendez-vous avec les toros et l’aficion française?

Il me semble que finalement, j’ai pris 15 jours pour me décider et il s’est créé une tension intérieure dans laquelle on se demande : Tu es capable ? Tu n’es pas capable ? Pourquoi pas si tu as toujours la capacité de créer ? Je ne parle pas de courage, ni rien de tout ça, mais si tu as encore quelque chose à dire, fais-le. Une temporada entière, c’est autre chose, il me manquerait peut-être des arguments, mais pour une corrida, je pense que je peux réunir beaucoup d’arguments créatifs.

Quelle est ta préparation ? Avais-tu coupé avec les toros depuis ta despedida ?

Non, j’ai commencé comme commencerait n’importe quelle personne sensée. J’ai débuté par toréer de salon, ce fut très dur.  Le problème, c’est que beaucoup de toreros toréent peu de salon mais beaucoup au campo. Quand j’ai refait du toréo de salon, je me trouvais très dur, très rigide, j’avais beaucoup de mal à trouver ce point de flexibilité nécessaire pour que tous les mouvements soient fluides et harmonieux. Une fois dépassé ce stade, j’y suis allé par étapes : j’ai commencé avec le champ sportif dans lequel j’ai toujours vécu et que je connais bien. Je me suis alors créé des mésocycles d’entrainement. Le premier, ce fut le fond, ensuite, j’ai commencé les changements de rythme et maintenant je banderille beaucoup. Au début je ne banderillais pas, je ne touchais même pas les banderilles. Puis, finalement, ces deux derniers mois, c’est devenu un sport plus spécifique et explosif.  Ce que je dois contrôler, c’est quelque chose de très important, plus que l’entrainement, c’est le repos du à mon âge.

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Alejandro Espla et Christian Cartoux

Quelle est la principale difficulté pour relier l’époque goyesque avec l’art lyrique et les arènes d’Arles ?

Dans l’affiche, je résume un peu toute cette approche : j’ai cherché des icônes, des choses qui avaient un rapport et je les ai liées entre elles. Finalement, je crois que la corrida d’Arles peut avoir une iconographie propre, c’est-à-dire que ce n’est pas une corrida goyesque normale, mais une création avec toutes ces choses. J’ai apporté la mythologie, mais cela fait quelques années qu’il se crée une iconographie propre de la goyesque d’Arles. Cela me parait fabuleux cette translation dans le temps : que le goyesque puisse cohabiter avec un cirque romain et le XXIème siècle. Cela me parait un miracle et il me semble que l’on peut harmoniser le chronomètre de cette manière.

Que peux-tu dire sur tes deux compagnons de cartel et les toros de Zalduendo ?

L’une des clés pour lesquelles je suis revenu est celle-ci : s’il n’y avait pas eu au cartel Juan Bautista et Morante avec les toros de Zalduendo, j’aurais probablement dit que non. C’était ce qui complétait tous les ingrédients, c’était le couronnement. Et, d’une certaine manière, ce cartel est que qui a motivé en dernier lieu ma décision.

Capture d’écran 2016-07-07 à 07.01.14Que penses-tu du public nîmois et de l’empresa Simon Casas ?

Je pense que vous n’avez pas à vous plaindre. A Nîmes vous avez une empresa créative, elle fait l’effort de convertir ce que je croyais une corrida de toros en un évènement. Le problème en Espagne, c’est que nous en sommes arrivés à analyser la corrida de toros et il n’y a pas de chose qui lui fasse plus de mal et qui ne la blesse plus profondément que le spectacle qui la banalise. Je crois que Nîmes a un imprésario anti-analyste dans ce sens, qui a des défauts comme tout le monde. C’est quelque chose qui arrivera toujours : si tu prends une voiture et que tu veux du confort, tu ne peux pas l’amortir de manière sportive, si tu veux une voiture sportive, tu ne peux pas avoir une voiture confortable. Dans tous les domaines de la vie, on trouvera toujours les défauts qui s’opposent, mais parfois, il faut sous-peser le pour et le contre et voir ce qui nous intéresse vraiment. Je pense qu’en ce moment, ce qui intéresse Nîmes, c’est ce concept d’imprésario.

Texte : Christian Cartoux. Photos : Lise Pèlfrène