Un tout petit quart d’arène, soleil brûlant, ombre fraîche, deux heures trente de spectacle.
Six novillos des Frères Granier «La Cruz», en remplacement d’un lot de Hoyo de la Gitana qui s’est avéré intoréable pour boiterie. De deux à quatre piques, deuxième, cinquième et sixième, trois châtiments pour le premier et quatrième, deux pour le troisième. Au total vingt piques toutes ou presque prises avec bravoure. Compliqués et dangereux à la muleta.
- Manuel Vanegas (vert bouteille et or), au premier, une entière, deux descabellos, applaudissements et salut ; au quatrième, une entière, une oreille.
- Guillermo Valencia (moutarde et or), au deuxième, une entière, une demie, trois-quarts de lame, un descabello, avis, silence ; au cinquième, une entière foudroyante, vuelta.
- Joaquim Galdos (rose et or), au troisième, un quart de lame, silence ; au dernier, un pinchazo, trois-quart de lame, silence.
Probablement très rare ce qui s’est déroulé à Vic-Fezensac au cours de ce week-end où l’on devait combattre une novillada de Hoyo de la Gitana. Tout le monde mettait beaucoup d’espoir dans cette sortie et surtout les éleveurs qui n’avaient pas hésité a envoyer trois novillos de réserve pour être sûr que le lot sorte complet. Débarqué dans les corrales de Vic le mardi 15 septembre au matin, tout paraissait normal. Mais au fil des jours les responsables de la commission taurine ont constaté que le bétail présentait de plus en plus de boiterie au point qu’il était impossible de les sortir en piste.
Les éleveurs de Salamanque, les frères Pérez Tabernero Silos, se sont déplacés en Gascogne pour constater le problème. Il a été décidé que les novillos ne sortiraient pas et qu’ils repartiraient en Espagne. Pour le remplacement, entre le vendredi fin d’après midi et le dimanche, il était impossible de s’adresser en Espagne, l’administration vétérinaire observant la trêve hebdomadaire. Seul du bétail français pouvait circuler librement et les frères Granier ont accepté de vendre un lot qu’André Cabannes, le président du CTV et Christophe Andine, responsable de la commission taurine, avaient vu au printemps et qu’il envisageaient de faire sortir en corrida pour la prochaine feria de Pentecôte.
Les novillos camarguais sont arrivés à Vic le dimanche en fin de matinée, débarqués et aussitôt mis en chiqueros. Les cuadrilla ont composé le sortéo en les voyant passer, un à un, depuis les passerelles au dessus des corrales. Autant dire que pour les initiés, à Vic, le moral n’était pas au beau fixe.
Et finalement, ces novillos de frères Granier… Plutôt bien, surprenants et agréables ! Pour celui qui aime le toro de combat, que reprocher à ce lot qui a supporté brillament vingt piques, avec certaines d’anthologie, chargées de loin avec un galop surprenant. C’est ce comportement qui vaut au cinquième d’être récompensé d’une vuelta. Une récompense que pouvait obtenir le second avec une présentation et une façon de se défendre semblable. Une novillada qui, par moments, prenait des aspects de course à l’ancienne avec le crayon de Goya qui flottait au-dessus de l’arène avec ces robes typiquement Santa Coloma.
Pour les trois novilleros ce fut souvent un enfer. En effet, passé le tercio de pique, ils se sont retrouvés face à des adversaires animés le plus souvent d’une mauvaise caste, «mala casta», évidente, poursuivant pour tuer, s’arrêtant brusquement en cours de passe et jouant de la tête comme de vrais spadassins. Par moment il valait mieux rompre le combat comme le fit rapidement Joaquim Galdos avec son premier novillo.
Une course difficile et compliquée où seul Manuel Vanegas est parvenu à couper une oreille. Certes il a su profiter du quatrième, le moins agressif et le plus apte à suivre la muleta. Un petit moral par rapport au reste du lot, mais une présence suffisante pour que le jeune Vénézuelien dessine sur la main gauche deux ou trois séries, très lentes, templées, et avec beaucoup d’harmonie. Son coup d’épée, surprenant de puissance et de précision, lui vaut un trophée. Pourtant dans un maniement de l’acier aussi spectaculaire, Guillermo Valencia devra se contenter d’une vuelta.
Mal servi par le sort, ou en-dessous de ses adversaires… Il y a surtout de la malchance pour Joaquim Galdos dont le premier, assassin en puissance, est totalement imprévisible et rapidement intoréable, l’obligeant à prendre l’épée sans perdre de temps. Il a bien tenté de se racheter pour terminer la course mais ce n’était pas son répertoire habituel et sa série de naturelles avait plus d’aspects de combat que de moments artistiques.
Si ce n’est que contraints et avec regrets que le Club Taurin de Vic a été obligé à cette substitution, la course n’a tout de même pas manqué d’intérêt. Au chapitre toro de combat, on a retrouvé les difficultés inhérentes à Vic et à son type de bétail de prédilection. Une course de légende, sûrement pas ! Mais on se souviendra longtemps des vingt piques, solides et braves, observées au cours d’une novillada de fin de temporada.
Reseña et photos : Jean-Michel Dussol.
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