La traditionnelle Corrida Goyesca d’Arles a toujours connu une belle affluence. Cette année elle affichait le « No hay billetes » à la taquilla, chose rare en ces temps et qui méritait donc d’être signalée, d’autant que la météo affichait, quant à elle, une alerte orange aux intempéries.
C’est pourtant sous le soleil que s’ébranla le paseillo dans une plaza aux couleurs rose, blanche et bleue décorée par Marie Hugo, descendante de Victor Hugo et héritière d’une longue lignée d’artistes.
L’orchestre Chicuelo II, le Chœur Escandilhado, la Soprano Cecilia Arbel et le Ténor Nicolas Gambotti assuraient la partie musicale.
Le décor était planté, ne restait qu’à laisser place aux figuras du jour et à leurs adversaires, deux toros de Luis Terron pour Pablo Hermoso de Mendoza et quatre de Parladé pour El Juli et Juan Bautista.
Côté bétail, les bichos de Los Estartales servirent, le noble premier doté d’une charge templée mais manquant un peu d’alegria, le second beaucoup plus vif donnant plus de lustre au travail du centaure. Chez les Parladé, le premier fut noble et collaborateur, le second resta relativement inédit, se blessant en début de faena, le troisième mansote de salida finissant a mas, le quatrième s’avérant être un grand toro, brave, noble et de caractère, qui aurait dû se voir honoré de la vuelta al ruedo posthume.
Pablo Hermoso de Mendoza fut relativement sobre face au premier, le captant d’entrée dans la croupe de son cheval de salida avant de poser deux rejones de castigo. Les poses de banderilles al quiebro furent ensuite millimétrées, les poursuites en appuyers époustouflantes de maîtrise, tout comme celles par hermosinas (voir article sur le sujet). Le navarrais cloua ensuite en appuyers autour du toro et termina par la pose en deux temps de trois courtes. Oreille après un rejon de muerte trasero un peu long d’effet.
Face au quatrième, Mendoza fut tout aussi performant, clouant deux rejones de castigo avant de se livrer à un véritable festival équestre, renouvelant sa suerte de la hermosina sur « Disparate », un moment qui fit rugir les tendidos. Cites au reculer vers les cornes, pirouettes, courtes et pose de banderilles à deux mains vinrent enluminer la prestation du jinete qui cloua une entière décisive au troisième passage. Oreille.
El Juli accueillit le lourd second (570 kg) par belles véroniques et demie, le fit ménager au cheval en une pique légère et un picotazo, intercalant entre les deux rencontres un quite par trois chicuelinas et une revolera. Muleta en mains, le madrilène signa une première faena correcte, assez courte, plus technique que brillante et essentiellement droitière car le bicho s’avéra court de charge à gauche sur l’unique série de naturelles. Rapière en main, Julian prit les boulevards extérieurs pour un julipié dans les côtes vite retiré suivi d’une entière contraire basse. Trois descabellos. Silence.
Tout autre fut sa prestation face au cinquième, un Parladé réservé de salida qui prit les premiers capotazos du bout des cornes avant de fuir dès la piqûre du premier fer pour se jeter ensuite sur le picador de réserve qu’il renversa, revenant ensuite prendre une petite pique sur le titulaire. Quite par véroniques et demie de Juan Bautista puis une vuelta de campana du toro sur le placement pour la première pose de banderilles. Débutée par passes de la bandera pieds joints, la faena s’étoffa ensuite sur plusieurs séries de derechazos dessinées main basse et conclues par des pechos au ralenti. Après une première série de la gauche, Julian s’arrêta et se tourna vers la musique pour demander qu’on change de morceau (les orchestres des arènes ayant maintenant tendance à jouer hors contexte). L’Hymne à l’Amour de Piaf fut aussitôt remplacé par un morceau du registre traditionnel et le Juli reprit sa faena. Il alterna alors les séries de la droite et de la gauche, se passa le Parladé à la ceinture, la main toujours très basse, ornementant son travail de changements de main ou de molinetes, le tout avec un temple souverain. C’est de rodillas qu’il poursuivit sa faena par cinq derechazos et un pecho, se relevant pour deux pechos supplémentaires avant de s’enrouler le bicho autour de la taille par deux dosantinas, la seconde constituant le cercle parfait. Quasi-entière en place en s’engageant cette fois, et deux oreilles de ley.
Juan Bautista entama sa tarde par une réception du magnifique troisième par véroniques, chicuelinas, demie et serpentina avant de livrer son opposant au lancier de service pour deux rations de fer, light la seconde. Hélas l’animal se blessa au second tiers et c’est en boîtant qu’il arriva en début de faena. Jean-Baptiste testa ses capacités avant de l’occire d’une entière caida et d’un descabello. Silence.
Réservé sur les premiers capotazos, le sixième s’alluma ensuite sous le fer, révélant un caractère bien trempé pas évident au départ. Il mit ainsi les reins et poussa avec fixité lors de la première rencontre, faisant reculer la pièce montée sur une dizaine de mètres avant de l’expédier au sol. Il poussa fort sur la seconde pique mais cette fois le groupe équestre tint bon. Ce « Holgazan » n° 6 s’avéra ensuite être un adversaire d’importance qui pesa dans la muleta de Juan Bautista qui eut quelquefois du mal à canaliser ses longues charges vives. L’arlésien toréa sur les deux mains, dut souvent très vite se replacer et signa une faena volontaire d’inégale intensité, aucun des deux adversaires ne voulant céder du terrain. Au final le bicho raccourcit ses charges et c’est par manoletinas que le torero local acheva sa faena avant de loger une entière contraire a recibir faisant très vite apparaître deux mouchoirs blancs au palco. On aurait aimé y voir figurer aussi le bleu.
Sortie a hombros des trois toreros pour une Goyesca dont la seconde partie racheta heureusement une entrée en matière un peu terne.
Reseña et photos : Paco.