Les toros d’El Pilar, initialement venus en France pour y être combattus par Sébastien Castella et Alberto Lopez Simon, sont restés sur le sol hexagonal pour le plus grand bonheur des aficionados. Offerts par l’empresa Toro Pasion (Pierre-Henry Callet et Julien Miletto), ils ont été combattus par six de nos toreros tricolores.
C’est un lot hétérogène en présentation qui est sorti dans les arènes Emile Bilhau mais homogène en caste, tous donnant du jeu sans cette noblesse imbécile qui caractérise beaucoup de devises combattues dans un grand nombre d’arènes. Mobiles, ils chargèrent avec beaucoup d’entrega et d’alegria et les nombreux spectateurs (presque le plein) goûtèrent avec délice leurs combats. Le cinquième fut honoré de la vuelta al ruedo posthume.
Après un salut collectif des toreros du jour et de l’empresa, Denis Loré ouvrit les hostilités par la lidia d’un premier Pilar bien présenté qu’il mena vers le centre par parones et véroniques pour l’y fixer par une demie. Le bicho s’employa correctement lors de la première rencontre avec le cheval, puis y revint pour un picotazo après que Denis lui ait servi un quite par tafalleras et demie. Mehdi Savalli vint ensuite s’échauffer en dessinant trois chicuelinas serrées et une demie. Brindée à l’empresa, la faena débuta par élégants doblones genou plié avant des séries ambidextres où le nîmois courut la main pour accompagner au maximum la bonne charge de l’animal qui se réserva un peu en fin de trasteo. Denis raccourcit alors un peu les distances pour des redondos ornementés d’une cambiada par ci, d’une trincherilla ou d’un molinete par là, tirant tout ce qu’on pouvait tirer du Pilar. Après un final par statuaires, le garçon remata son travail d’une bonne entière avant que le bicho ne se jette sur lui de toutes ses forces, le laissant inconscient pour aller ensuite mourir près des planches. De longs moments d’angoisse avant que le torero ne soit évacué sur une civière vers l’infirmerie tandis qu’au palco fleurissaient deux mouchoirs. Arrastre applaudi.
Aux dernières nouvelles, Denis Loré, qui a souffert d’un traumatisme crânien, se porte bien et devrait regagner son domicile en fin de matinée.
C’est dans une atmosphère un peu pesante que Mehdi Savalli entra en piste pour lidier le second, un beau toro qu’il accueillit par parones, véroniques et larga avant de le confier aux bons soins de son picador pour une première pique dont il sortit seul avant de pousser sans fixité lors pour une ration de fer plus légère. Quite de Jérémy Banti par deux véroniques et demie. Mehdi prit ensuite les bâtonnets pour deux poses en poder a poder et un violin très appréciées par le public. Débutée par passes hautes main sur les planches, la faena mit à profit la belle alegria du Pilar. L’arlésien courut la main à droite comme à gauche, s’enroula le bicho à la ceinture, toréant avec un visible plaisir. Quelques dosantinas pour faire monter l’ambiance et une entière delantera au troisième envoi pour la conclusion. Deux oreilles et arrastre applaudi.
Jérémy Banti trépigna beaucoup lors de la réception du troisième pour enfin parvenir à glisser deux véroniques dans sa réception. Le bicho se révélant un peu faiblard, le maestro nîmois le fit ménager en une unique rencontre avant d’entamer sa faena brindée au public et au ciel. Débuté par passes hautes, le travail manqua de profondeur, en cause la marginalité des passes. Jérémy traça correctement ses muletazos mais les plaça un un peu trop sur le voyage de l’animal, l’ensemble trop long finissant par être ennuyeux. Entière après deux pinchazos. Oreille de courtoisie.
Avec Thomas Joubert vinrent les meilleurs moments de la tarde car le garçon, au mieux de sa forme, nous proposa une tauromachie pure, sincère, profonde, digne des plus grands. Il reçut ainsi son adversaire par de jolies véroniques très douces, une demie au ralenti et une revolera aérienne. Le Pilar prit ensuite une unique pique où il poussa par intermittence. Le toro eut ensuite un peu de mal à poser l’antérieur gauche mais sa caste lui fit cependant continuer le combat car il répondit à toutes les sollicitations de Thomas qui l’invita à un beau quite par lopecinas avant de l’envoyer à nouveau de loin vers le cheval pour un picotazo. Thomas Dufau vint ensuite proposer ses services pour un quite par véronique, tafallera et revolera auquel Thomas Joubert répondit par deux gallosinas et une brionesa. Brindée à la Jeunesse Saint-Gilloise, la feana débuta par quatre statuaires, pecho et trinchera, puis se poursuivit par des derechazos au tracé impeccable, lents, harmonieux, qui arrêtèrent le temps, la silhouette hiératique du garçon donnant à ses muletazos une dimension supplémentaire. Le bicho se dégonfla alors et partit vers les planches et c’est en querencia que Thomas poursuivit son oeuvre par naturelles douces et templées, chaque séquence rématée de pechos qui arrêtèrent les horloges. La demi-lame en place foudroyante déclencha un enthousiasme général et la pétition majoritaire du public conquis fit attribuer à l’arlésien les trophées maxima. Thomas Joubert a confirmé son excellente prestation d’Istres en début de saison .Comment peut-on laisser un tel torero à la porte des arènes ?
Le petit cinquième fut un peu difficile à fixer et Thomas Dufau eut du mal à se poser pour quelques véroniques et demie. La pique prise dans de bonnes conditions parvint à assagir l’animal qui chargea ensuite avec une fijeza pleine d’alegria. Rafael Lisita signa ensuite deux très bonnes poses de banderilles que le public apprécia à sa juste valeur. Ce petit toro plein de fougue traversa la piste lors du premier appel de Thomas qui l’embarqua dans plusieurs tandas droitières de bonne facture,accourant toujours de loin à l’appel de l’étoffe qu’il suivit avec un entrain extraordinaire. A gauche, mêmes remarques pour des séries de naturelles où quelquefois Thomas eut du mal à canaliser la fougue du Pilar. Quelques dosantinas en fin de faena et une conclusion par une trois-quart un peu latérale portée a recibir. Longue lutte du bicho et vuelta méritée pour ce brave toro. Oreille pour son adversaire.
Andy Younes mesura hier la distance qui lui reste à parcourir pour jouer dans la cour des grands. Il est vrai que se mesurer à un toro comme ce dernier Pilar n’est pas chose facile après seulement quelques novilladas piquées, mais l’expérience aura le mérite de remettre les pendules à l’heure après des attributions de trophées quelquefois un peu généreuses comme ce fut le cas encore hier (oreille) où une vuelta aurait suffi car le garçon fut débordé de bout en bout de son trasteo. Ce dernier bicho, qui prit deux piques, se rendit très vite maître de la piste, profitant du manque d’expérience du garçon qui se l’envoya souvent dessus. Point positif de la prestation : quelques muletazos trop isolés de bonne facture et une bonne lame au second assaut. Le reste s’apprend. Loin de moi l’idée de critiquer le garçon, au contraire car il a des qualités qui s’exprimeront au fur et à mesure. Il faut simplement ne pas mettre la charrue avant les boeufs et lui enseigner la vraie valeur des choses.
Reseña et photos : Paco.