
Petite demi-arène, soleil voilé et chaleur, deux heures trente de spectacle.
Six toros d’Antonio Bañuelos, bien présentés, bien armés, de une à deux piques pour les deuxième, cinquième et sixième, châtiment pris avec une bravoure moyenne. A la muleta tous parfaitement nobles et toréables. Le deuxième applaudi à l’entrée et à l’arrastre, le quatrième, applaudi à l’entrée.
- César Jimenez (vert et or), au premier, une entière, une oreille ; au quatrième, une entière une oreille.
- Manuel Pérez Mota (blanc et or) au deuxième, une entière une oreille ; au cinquième, une immense estocade, deux oreilles.
- Juan Leal (bleu et or), au troisième, une entièe, une oreille et pétition majoritaire de la seconde ; au dernier, quatre pinchazos et deux descabellos, silence, puis forte ovation de despedida.
Une quinzaine d’anti-taurins ont mené grand bruit à l’entrée et à la sortie de la course, contenus à plusieurs centaines de mètres des arènes.
On n’est pas près d’oublier cette course d’Antonio Bañuelos dans les arènes d’Eauze, même le maire, Michel Gabas, à la sortie en pleurait presque. Ce fut peut être la chance d’une corrida pour 2016 ! Antonio Bañuelos, lui-même, peu chanceux à Burgos, ne pouvait que laisser éclater sa joie devant une pareille course, parfaite tout au long des six toros. Le plus heureux de la journée Manuel Jésus Pérez Mota qui, enfin, pour sa troisième présence dans le Gers en quelques semaines, a coupé trois oreilles. Le plus triste Juan Leal, injustement privé d’un deuxième trophée largement mérité à son premier toro et qui, après une belle faena volontaire et guerrière, échouera à la mort du dernier.
Il y a bien longtemps que Pérez Mota, cantonné dans le Gers au Concha y Sierra ou au Cebada Gago, n’avait rencontré un tel régal avec les toros de Burgos. Le garçon a chaque fois démontré beaucoup de technique et d’art. Il entre en piste pour la première fois pour une faena très rythmée interprétée avec beaucoup de temple, telle une symphonie de Mozart. Le belluaire a démontré qu’il avait du cœur. Il possède le secret de dessiner des derechazos longs, interminables même. On croit rêver et pourtant « Percador » était toujours présent pour tenter de percer la muleta. Un grand moment de tauromachie.
Avec le cinquième qui a mis un peu d’ambiance en piste en reversant un cheval sur une erreur du picador, Perez Mota apparaît rapidement transfiguré… Toujours cette sorcière de main droite qui se met à caresser le sable des arènes, la musique ne peut se retenir. Puis il en vient à la senestre, la musique semble redoubler. Et là on voit son visage s’illuminer d’un immense bonheur. Perez Mota entre au nirvana de la tauromachie. Une série interminable, qu’il relance parfois d’un petit changement de main. Pour briser ces sortilèges, Perez Mota empoigne l’acier et porte un estoconazo d’enfer. De cette classe il n’y en a guère plus de dix par siècle. Le toro s’effrondre et il faut que le public se fâche pour que la présidence finisse par lui donner deux oreilles qui ne se discutaient même pas. Perez Mota avait enfin sa revanche !
César Jimenez a retrouvé hier la simplicité de sa jeunesse, quand il nous faisait rêver par la pureté de son style. Rien n’est vulgaire chez lui, pas même cette première série donnée à genoux où il conduit et finalement réduit son taureau. La série sur la gauche qui suit appartenait par instant à l’indicible, moment rare quand le torero rencontre l’adversaire qu’il souhaitait depuis si longtemps. Ce fut un tourbillon de passes auquel il mit un terme par une excellente estocade. Après avoir brindé à Juan Leal et Maurice Behro, il revient avec « Carabinero » pour une tauromachie toute en fil d’argent, en finesse et harmonie.
Juan Leal, on l’a dit, est le grand perdant de cette course. Face à un « Perdigon » astifino, il traite le sujet par la droite. A chaque nouvelle passe il s’impose un peu plus et parvient à conquérir rapidement le public. Il a par instant des aspects de «Petit Prince» mais demeure toujours efficace. Alors pourquoi lui refuser cette seconde oreille que le public demande avec force. Il veut récompenser un gamin qui se bat avec cœur. Juan Leal continue cette lutte avec le dernier qu’il accueille à porta gayola avant de se livrer à un festival de cape dans le plus pur style latino-américain. Sa faena est sérieuse, volontaire et classique… on sent que dans l’arène il y a une forte competencia et Juan Leal ne veut pas être le petit dernier. L’épée le trahira. Mais le public lui réserve une immense ovation lorsqu’il se retire de l’arène.
Après ce sont les grands moments de joie de l’éleveur et des toreros Jimenez et Perez Mota. Six oreilles à Eauze, il y a bien longtemps que la fête n’avait pas été aussi belle.
Reseña et photos : Jean-Michel Dussol