Deuxième mano a mano de la Feria avec une opposition de style entre deux toreros parmi les plus importants de l’escalafon, El Juli le technicien face à Morante l’artiste, un duel arbitré par les non moins artistes toros de Garcigrande (1° et 4°) et Domingo Hernandez.
Tout commença par le traditionnel salut des deux toreros après un paseillo défilant comme la veille avec la chanson du toréador de Bizet interprêté magistralement par Frédéric Cornille. Morante détendu, El Juli concentré, on sentait qu’il allait se passer quelque chose.
Morante de La Puebla, déployant son capote pour belles véroniques et magique demie, mit l’eau à la bouche des aficionados avant d’ouvrir à nouveau sa cape pour un quite par véroniques, demie et revolera après une légère ration de fer. Le ton semblait donné. Les doblones genou plié, les longues naturelles et une bonne série de derechazos donnèrent à penser que le torero de La Puebla était en train de déboucher le flacon aux essences rares. Hélas un accrochage sans conséquences au final d’un derechazo mit fin à la magie naissante. Les ultimes naturelles donnèrent des regrets quand Morante prit l’épée pour en finir d’une trois-quart caida. Silence.
On espérait que le quatrième allait remettre Morante sur les rails du succès. Après quelques douces véroniques rématées par demie, le torero fit passer symboliquement l’épreuve de la pique au bicho (ration light et deux égratignures) puis débuta par passes hautes une faena qui tourna court du fait du peu de charge du Domingo Hernandez. Après avoir testé les deux bords; Morante opta pour abréger. Entière en place après pinchazo, descabello. Silence.
Ne restait qu’un espoir aux fans du torero, celui de voir leur idole triompher face au quinto. Accueillant le bicho par larga afarolada, véroniques et larga, Morante présenta l’animal à son picador qui se fit renverser sur la première charge avant d’administrer une correcte pique au second assaut. Morenito de Nîmes, appelé au quite par le public, dessina quelques navarras un peu brouillonnes et une demie avant que Morante ne revienne en piste pour … trois ou quatre passes de cadrage avant de monter l’épé pour loger une entière caida assortie de deux descabellos. Que s’était-il passé ? Morante n’avait-il pas apprécié que Morenito intervienne au quite, ou le toro avait-il un défaut qui nous avait échappé ? Quoi qu’il en soit la bronca fut à la hauteur des espoirs déçus.
El Juli fut donc le grand vainqueur du jour, du fait de son immense talent mais aussi à cause du forfait de son compagnon de cartel. Il accueillit le second par véroniques, chicuelina et demie avant de le laisser charger le uhlan de service, cassant le palo au premier impact pour subir ensuite la morsure d’une puya trasera. Quite de Julian par chicuelinas et revolera. Débutant sa faena par doblones genou ployé puis passes hautes, le madrilène testa les deux pitons avec une préférence pour le gauche qui lui permit de dessiner deux belles séries de naturelles. On pensait que la faena allait décoller mais les forces déclinantes du bicho mirent fin à nos espoirs (il fut à la limite de se coucher tout seul avant l’estocade). Demi-lame trasera après pinchazo. Silence.
Le ton monta face au quatrième. Après quelques capotazos sur le voyage, le Garcigrande cassa lui aussi le palo à l’impact, puis revint au cheval pour une bonne poussée sur la corne gauche. Citant de loin, Julian entama sa faena par deux bonnes séries de derechazos où il sut parfaitement courir la main, rématant par trincherilla et desprecio. Il commença alors par toréer en rond, sur une série de la droite d’abord, puis sur le bord opposé ensuite. Voyant que le bicho était aux ordres, il se l’enroula à la ceinture par circulaires à l’endroit et à l’envers enchaînées, entrainant l’animal dans une ronde folle aux courbes improbables sans rectifier la position. Domination absolue sur un toro dont la mère devait être croisée avec un carreton. Pas le moindre mauvais geste de la part de ce Garcigrande de gala qui fut occis au second « julipié » après deux manoletinas et une ultime circulaire. Oreille.
Le meilleur restait à venir. Après quelques véroniques et une courte pique, Julian dessina un quite par faroles, demie et revolera. Débutant sa faena par passes hautes pieds rivés au sol, El Juli assura à nouveau son emprise sur ce Domingo Hernandez qui, comme le précédent, avait l’âme bienveillante d’une soeur de charité. Julian fut magistral sur les deux bords avant d’embarquer son opposant dans un toreo tout de courbe et d’harmonie tout autant que de parfaite domination.
La maîtrise des changements de main fut époustouflante, les trincherillas bienvenues, les desprecios figeant l’animal à l’endroit choisi. Que peut-on faire de plus face à un toro si ce n’est donner à la muleta une magie que seuls connaissent les toreros du sud. Estoconazo en toda let cette fois et deux oreilles amplement méritées pour le madrilène auteur d’une grande tarde et qui a prouvé, si besoin était, qu’il est sûrement le torero le plus poderoso de l’escalafon.
Reseña et photos : Paco.