Istres. 16 juin. Toros de Victorino Martin.

LE PLAISIR RETROUVÉ

Toros de Victorino Martin, bien présentés dans l’ensemble (poids annoncés, moins fantaisistes que la veille, de 505 à 530 kg), d’armures correctes à l’exception du premier, et qui donnèrent un intérêt soutenu à la course (à l’exception encore du premier qui ne permit guère à El Fundi de s’exprimer).

Tous prirent les deux piques règlementaires en s’employant à des degrés divers. Le quatrième fut honoré de la vuelta al ruedo posthume. Le quinto fut supérieur dans la première rencontre.

El Fundi, pour ses adieux à Istres, reçut un cadeau souvenir à l’issue du paseo après que l’ami Rolland Agnel eut retracé au micro la carrière de celui qui fut l’un des grands acteurs des corridas toristas de ces vingt cinq dernières année. Chapeau bas, Maestro !

La tarde commença donc par un bicho qui d’entrée se serra sur le torero qui ne put à aucun moment river ses pieds au sol, d’où une réception un peu cahotique terminée par une demie dans les tercios. Après deux vilaines piques très traseras, le Victorino manifesta le comportement typique des pupilles du Sorcier, se retournant très vite et laissant les cornes trainer près des chevilles du piéton. Faena de gladiateur sur la seule corne droite, le passage à gauche s’avérant impossible. Tiers de lame au troisième assaut, descabello. Palmitas.

Heureusement pour José Pedro vint le quatrième avec lequel la partie ne sembla pas gagnée d’avance, le bicho l’obligeant à reculer après trois bonnes véroniques. El Fundi, qui en a vu d’autres, prit les choses en mains pour mener deux fois l’animal au picador par véroniques ajustées pour deux rations de fer (correctement placé) prises en s’employant de façon mesurée. Brindée à Diego Ventura présent au callejon, la faena ambidextre fut pléthorique, technique et templée, le garçon profitant de la belle noblesse de son opposant pour construire un travail intelligent rématé d’une belle entière en se jetant sur le morillo. Deux oreilles pour El Fundi (sourire retrouvé) et vuelta plus contestable pour le Victorino ayant affiché plus de noblesse que de bravoure.

Juan Bautista a payé comptant mais n’a pas eu de retour sur investissement, surtout à son second. Il accueillit calmement son premier par correctes véroniques et gagna les medios pour remate par rebolera. Deux piques en place, hélas pompées suivies d’un quite d’Alberto Aguilar par chicuelinas et demie. L’arlésien composa ensuite une faenita professionnelle initiée par doblones élégants genou plié. Un trasteo majoritairement droitier (court passage à gauche sans problèmes) techniquement parfait, mais comme souvent, il manque l’épice qui relève un peu le plat. Entière en place au second essai. Oreille.

Le quinto fut accueilli en tablas par bonnes véroniques, puis vers le centre pour demie finale. Vint ensuite un des grans moments de la tarde, une grande pique où le Victorino mit toute sa force et sa race pour renverser le cheval qui se maintint sur pieds par miracle après pareille secousse. Un tsunami cardeño dans le matelas ! Mention très bien également au picador qui aguanta fort bien cette éruption de caste. Personnellement, à la place du Président, j’aurais envoyé la musique. La deuxième rencontre fut moins spectaculaire mais justifia la bravoure de l’animal. Alberto Aguilar clotura ce premier tiers par un quite par tafalleras et demie. Débutée comme précédemment genou plié, la faena monta en gamme tout au long de ce troisième tiers. Intelligemment Jean-Baptiste sut rassurer le bicho sur la corne gauche après refus sur le piton opposé. Après quelques bonnes séquences gauchères templées, le Victorino voulut bien passer à droite où l’arlésien l’apprivoisa jusqu’à se l’enrouler autour de la ceinture. Alternant ensuite les deux mains, Bautista se régala et régala l’assistance. Avec un bémol cependant, il ne baissa quasiment jamais la main et toréa à mi-hauteur, ce qui ôta de la profondeur à cette belle construction de faena. Final par naturelles de la gauche (normal) et de la droite (données sans l’épée) avant tentative de recibir avortée sur pinchazo. Nouveau pinchazo après avis pour finalement laisser une lame delantera atravesada complétée d’un descabello. Salut au tiers pour un Jean-Baptiste visiblement très déçu qui refusa de faire la vuelta.

Alberto Aguilar, auréolé de son récent succès madrilène, dut aguanter les charges brusques du troisième qui prit correctement la première pique (carioquée), puis se vengea lors de la seconde rencontre en partant du centre pour renverser la pièce montée. Doublant vers les medios, Alberto se fit serrer sur le dernier doblon. Ne tenant pas compte de l’avertissement, le garçon s’engagea dans une trop longue série de derechazos qui se termina par une bousculade heureusement sans conséquences. Alberto poursuivit en alternant les deux pitons lors d’une bonne faena de menos a mas terminée par une entière enfoncée en deux temps. Oreille légitime.

Le madrilène mit les bouchées doubles au dernier, entamant par bonnes véroniques, demie et rebolera au centre. Ce sixième Victorino poussa bien, leva le cheval par deux fois et aurait pu le culbuter avec un coup de rein supplémentaire. Il ne le fit pas et prit une courte seconde ration dans la foulée. El Fundi sur un nuage s’amusa ensuite lors d’un quite par delantales chiffonnés et demie. Brindée au pré-retraité précédemment cité, la faena crut également de menos a mas, Alberto signant des séries de derechazos et de naturelles croissantes en profondeur et en intensité. Joli final par trincherillas et passe du mépris avant entière un poil latérale. Deux oreilles.

 

El Fundi et Alberto Aguilar quittèrent le Palio a hombros en compagnie de Victorino Martin Garcia (le fils) et du mayoral du jour (qui n’est pas le mayoral titulaire de la ganaderia).

Belle tarde de toros sous un beau soleil avec un second lleno. Une expérience à renouveler par rapport à la veille.

Paco