Toros de Nuñez del Cuvillo pour Antonio Barrera, José Maria Manzanares et Alejandro Talavante.
Les toros de Nuñez del Cuvillo, dont c’était la présentation à Istres, ont déçu. Déçu par leur présentation d’abord : des toros petits (poids affichés de 488 à 516 kg un peu ambitieux), souvent bizcos et/ou brochos, d’armures commodes pour la plupart, abimées pour le premier. Déçu par leur comportement ensuite: des toros d’une pique, voire d’un picotazo (à l’exception du quinto qui fut le seul à pousser, ou qui fut le seul à en avoir les moyens), et qui ensuite, malgré ces piqûres superficielles, manquèrent de force et de race. Seul le sixième (malgré une présentation light) afficha un peu de cette alegria dans la charge qui crée l’émotion. Bref, le ganadero avait envoyé un lot indigne de la réputation que la placita est en train de se créer sur l’échiquier taurin.
Antonio Barrera, que j’avais trouvé très bien à Vic il y a trois semaines, m’a paru hier à contre emploi. Le garçon a besoin de toros qui lui permettent d’exprimer son potentiel de lidiador. Les faenas d’infirmier, il ne sait pas faire. Bien à la réception du premier par véroniques et demie, il signe une faena tristounette, accompagnant sur les deux bords et sur le voyage un bicho qui fait son chemin de croix. Final par toreo encimista et pueblerino qui n’apporte rien au débat. Entière delantera. Silence. Note : le Nuñez non maîtrisé par la cuadrilla s’échappa vers le réserve pour la séance de vaccination d’usage durant cette tarde. Bien décidé à ne pas quitter la plaza les mains vides, c’est Barrera qui cette fois tombe à genoux près des tablas pour une larga cambiada afarolada. Suivent quelques correctes véroniques et remate à une main. Initiant sa faena par alternance de passes hautes et de passes cambiadas, Barrera poursuit à droite d’abord, à gauche ensuite, par un toreo besogneux face à un bicho qui semble avoir du mal à rester sur ses aplombs. Salut au tiers après entière contraire suffisante.
José Maria Manzanares, lui, sait jouer les infirmiers (il sait aussi d’ailleurs se montrer lidiador efficace) mais aujourd’hui seule la blouse blanche était de rigueur. Quel plaisir de voir toréer ce garçon ! Majestueuses véroniques de réception poursuivies par deux delantales et une rebolera, le tout donné avec une précision et une économie de gestes louables. Muleta en mains, l’orfèvre d’Alicante nous cisèla des derechazos liés dans un mouchoir de poche, des naturelles longues et templées en courant la main, enjolivées de trincherillas de cartel. Avec un mando royal, il embarqua le bicho dans des circulaires parfaites et paracheva le tout d’une entière contraire et tendida portée a recibir hélas longue d’effet. Deux tentatives de descabello sans effet sur un animal qui garda longtemps la tête haute avant de consentir à se coucher. Salut au tiers. L’accueil du cinquième par cinq véroniques et rebolera fut tout aussi majestueux. Après la seule vraie pique de la tarde, la cuadrilla comme souvent se distingua au second tiers et fut appelée à saluer. Initiée à gauche par deux séries de douces véroniques et pecho au ralenti, la faena se délita progressivement au fil des forces déclinantes du Nuñez. Manzanares dut mettre toute sa volonté pour solliciter un bicho qui n’en voulait (ou n’en pouvait) plus. Quelques jolies séquences liées à retenir d’un ensemble hélas bridé par l’indigence de l’opposition. Demi-lame tendida contraire. Salut au tiers.
Alejandro Talavante finit vainqueur aux points. Comme au patinage, le garçon réussit correctement les figures imposées, mais la note artistique dégrade l’ensemble. Face au troisième, bonne entame par delantales, chicuelinas et remate à une main avant le vaccin d’usage, puis début de faena par statuaires, cambio por la espalda et pechos. Mention bien. La suite fut heurtée, les enchainements rapides, la liaison et le temple corrects, mais une sensation de toreo à contre sens, une lidia qui aurait dû être réservée à une opposition plus violente et plus conséquente. Où Manzanares ne fut que douceur, Talavante fut presque brutal, à droite comme à gauche. Final par manoletinas avant entière trasera et tendida. Oreille (à mon humble avis injustifiée). Le dernier toro (488 kg sur la romaine. Enlevez un demi-quintal et on est dans les clous) se montra le plus intéressant au niveau de la charge : beaucoup d’alegria et une belle envie d’en découdre. Talavante le mena vers le centre par correctes véroniques et demie avant de le faire ménager par son picador, puis l’invita dans une faena, correcte celle-ci, sans être extraordinaire. Début par passes hautes sans bouger, séries droitières rythmées, naturelles enchainées mais manquant un peu de liaison, le tout enjolivé d’une passe de las flores par ci ou d’une trinchera par là face à un bicho qui mit la tête avec une belle noblesse. Le garçon termina son travail par une séquence de toreo encimista précédant bernadinas alternées. Entière caidita. Descabello. Oreille plus justifiée cette fois.
Temps agréable. Public gentil venu voir des toreros et occasionnant un lleno de no hay billetes.
Paco