Mauguio. 3 juin. Toros de Dos Hermanas.

Lorsqu’on a passé comme moi le week-end dernier à Vic et qu’on assiste à la corrida d’hier, on a l’impression que l’on vient d’une autre planète, qu’on passe du rêve à la réalité. Car c’est bien ça, hélas, la réalité : des toros d’une pique, souvent faibles, nobles et qui collaborent sans trop poser de problèmes. Bref, le toro moderne tel qu’on le voit défiler tout au long de nos temporadas et pas seulement dans les petites arènes. J’ai vu pas mal des corridas de Valencia, de Séville, de Madrid dernièrement (dans mon fauteuil sur Canal + Toros bien sûr), la triste réalité ganadera s’impose comme une fatalité. Les éleveurs fabriquent un toro formaté destiné à des toreros qui le sont souvent tout autant. Si le grand public désireux de voir des faenas de 60 passes et plus s’en satisfait, tant mieux, tant que ça dure. Peu importe les piques, leur emplacement, la façon de les donner, peu importe le placement du torero, sa sincérité, sa façon de tuer, pourvu que l’épée rentre au premier coup, peu importe son point d’impact. Il existe heureusement des endroits où le public ne s’en laisse pas compter (Madrid par exemple et pour l’exemple). Pourvu que ça dure ! Hier, le public est sorti satisfait. N’est-ce pas cela l’important ? (Pour les organisateurs qui ont mis tout leur coeur à l’ouvrage, sûrement). Vous aurez compris que personnellement, j’ai eu du mal à me reconnecter à la réalité. Passons-y cependant.

Toros de Dos Hermanas, bien présentés dans l’ensemble, à l’exception du second aux cornes vite escobillées. Le sixième honoré d’une vuelta al ruedo posthume généreuse, générosité dont fit preuve le palco tout au long de la tarde.

Juan Bautista entama ce mano a mano (qui n’en fut pas un car sans esprit de compétition entre les deux toreros) par un toro qui tenta de sauter au callejon à son entrée en piste avant de voir sa charge canalisée par quelques véroniques autoritaires. Après une pique prise en poussant un peu, le bicho fut capté par la muleta de l’arlésien qui composa une faenita correcte sans grande transmission. Entière caidita après pinchazo, deux descabellos. Palmas.

Accueilli par bonnes véroniques et demie, le désordonné troisième tenta de contourner le cheval par deux fois puis cabecea dans le peto durant le peu de temps qu’il y resta. Après brindis à sa grand-mère, Jean-Baptiste commença par doubler le bicho, lequel accusa une certaine faiblesse par génuflexions successives. Le garçon composa ensuite une faena ambidextre solide, bien que peu mise en relief par la soseria du Laugier. Final encimista un peu brouillon pour arracher les derniers muletazos, entière delantera latérale et deux oreilles pour Juan Bautista (même pour un pueblo, une seule aurait suffi).

Le quinto avait, semble-t-il, des possibilités mais une pique ravageuse laissant le bicho quasi-invalide laissera planer le doute sur ses capacités réelles. Tout avait pourtant bien commencé lors de la réception par bonnes véroniques en tablas poursuivies vers le centre par chicuelinas et demie. La faena d’infirmier fut donc composée de muletazos à mi-hauteur, efficaces certes, d’un côté comme de l’autre, mais sans le fond nécessaire pour susciter une quelconque émotion. Après les dernières passes arrachées sur mouvement pendulaire, Jean-Baptiste expédia le bicho d’une entière en place précédée d’une demi-ration d’acier. Oreille (sans commentaires !).

Thomas Dufau vit son premier adversaire envoyer une planche dans les gradins (heureusement sans mal pour les spectateurs) avant de s’engouffrer dans le capote pour correctes véroniques. Après une pique correcte, le landais signa un quite par chicuelinas et rebolera. Eteint en début de faena, le Laugier fut toréé de façon marginale sur les deux bords lors d’une courte faena au cours de laquelle il marqua souvent des temps de récupération. Final par sempiternelles circulaires inversées et entière rinconera après pinchazo pour conclure un travail sans grand relief pourtant primé d’une oreille ( ???).

Le quatrième fut reçu par une larga cambiada afarolada de rodillas, puis repris par bonnes véroniques et demie. Après une unique ration de fer, Thomas dessina un quite varié par faroles, tafalleras et rebolera. Entamée par doblones genou plié, la faena se dilua en un toreo fuera de cacho, le landais se confiant à peine plus sur la dernière série de derechazos précédant les manoletinas finales. Pinchazo, demi-lame tendida, descabello. Silence.

Le sixième toro fut le plus intéressant de la tarde. Après l’accueil par véroniques et demie, il souleva par deux fois le cheval en force sans véritablement s’employer pour l’envoyer au sol. Après le quite du sobresaliente (Morenito de Nîmes) par faroles et rebolera, Thomas entama sa faena par deux passes cambiadas au centre portant sur le public, puis poursuivit en suivant sa ligne de marginalité, composant des séquences quelquefois esthétiques mais manquant cruellement de fond. La bonté de la présidence lui fit octroyer une oreille d’un bicho qui lui fit la vuelta. Que d’exagération !

 Sortie a hombros des deux toreros et de la petite fille du ganadero après salut (superflu) du papa.

 Paco