Toros de Santiago Domecq, présentés pour la circonstance, plutôt faibles dans l’ensemble (cinq piques light et un picotazo), relativement nobles. Bref, le toro moderne pour figuras. Mais bon, les spectateurs garnissant presque totalement les gradins étaient venus pour les toreros, et en cela ils n’ont pas été déçus. Beaucoup étaient venus voir El Juli, grand absent des ferias de début de saison et dont c’était la première apparition de l’année en France. Le madrilène s’est montré à la hauteur des attentes du public, grand professionnel, fin technicien, mais j’ajouterais aussi pour faire bonne mesure fin tricheur, principalement lors de la suerte suprême où il pratique habilement l’art de l’esquive.
El Juli donc qui entama la tarde par des véroniques templées après un petit temps de fixation du bicho, rématant sa réception par belle demie. Après la monopique prise en cabécéant, Julian reprit le bicho dans les plis de son capote pour un quite par véroniques et demie. Entamée par doblones genou ployé, la faena prit très vite corps, le Juli trouvant très vite le sitio pour donner d’esthétiques séries de derechazos en courant la main, muleta caressant le sable. A gauche (qui n’était pas le meilleur côté de l’animal), le garçon parvint à convaincre le Domecq pour lui servir trois séries de menos a mas. Fin de faena sur la corne droite avec un toreo encimista et notamment trois circulaires inversées où le bicho effectua trois tours complet autour du torero. Final par le fameux «Julipié» (où le garçon enfonce la rapière après avoir habilement contourné le frontal), efficace certes mais sincère, pas du tout. Première oreille de la tarde.
Le troisième fut accueilli par véroniques et larga, puis, après l’égratignure d’usage, invité dans une faena relativement sobre, compte-tenu de son peu de potentiel physique. Comme au premier, la muleta du madrilène fut efficace, rasant le sol quand il le fallait, s’élevant en fin de passe quand le bicho faiblissait. A gauche comme à droite, le Juli s’efforça de tirer de l’eau d’une pierre, et il y parvint en ménageant des pauses à son «opposant». Entière trasera tendida et latérale. Palmas.
C’est face au quinto que le Juli donna la pleine mesure de son talent, servant une faena pléthorique à un bicho qui dans d’autres mains n’aurait pas duré trois minutes. Certes il fit durer de manière inespérée le Santiago Domecq, mais l’essence de la tauromachie n’est-elle pas de réduire un fauve à sa merci au lieu de jouer les infirmiers ou les vétérinaires ? C’est l’éternel débat entre les toristas et les toreristas, entre les adeptes du combat et ceux du ballet moderne imposé par les figuras. On pourrait en faire trois pages. Mais revenons au sujet. Accueilli par véroniques, le bicho fut changé plusieurs fois de terrain avant d’être présenté au cheval pour une courte et légère ration de fer. Julian embarqua ensuite le Domecq dans une dizaine de séries ambidextres, alternant droite et gauche et terminant par une séance d’ojedisme, arrêtant le toro en milieu de passe puis le reprenant, le tout dans un mètre carré de terrain. Nouveau «Julipié» pour conclure et deux trophées pour le madrilène.
Juan Bautista, quant à lui, pratique un toreo plus classique, certes peut-être moins spectaculaire, mais à mon avis plus sincère, notamment à la mort où, lui, tue sans tricher. Il accueillit le second Domecq de la tarde par véroniques genou plié, puis poursuivit par delantales, véroniques et demie avant de l’emmener vers le cheval par chicuelinas al paso et véroniques alternées pour légère piqûre. Jolie quite de l’arlésien par quatre chicuelinas et serpentina. Débutée genou plié, la faena uniquement droitière manqua un peu de fond, le garçon ne courant guère la main, débutant ses muletazos à hauteur de ceinture sans vraiment obliger l’animal. Terminant par un toreo de proximité rématé de cinq trincherillas, Jean-Baptiste coupa une oreille régionale après une entière caidita complétée d’un descabello.
Le quatrième ne fut pas du tout piqué, Jacques Monnier posant le palo sur le dos du Domecq avant de le relever aussitôt. Le faible animal fut ensuite embarqué dans une faena relativement sobre, adaptée à son manque de forces. Le français laissa quelques séquences esthétiques sans jamais pouvoir vraiment baisser la main. Il acheva son trasteo par les inévitables circulaires inversées («si chères à mon coeur») puis enfonça en toda ley une entière qui résulta un peu caida. Nouvelle oreille pour l’arlésien.
C’est les deux genoux à terre que Juan Bautista accueillit l’ultime Domecq de la tarde, se relevant ensuite pour une chicuelina avant de s’agenouiller à nouveau pour une demie et terminant enfin par rebolera. Ce sixième fut le seul à pousser un peu le cheval lors de la courte rencontre qui lui fut imposée. Jean-Baptiste, à la demande du public, invita le sobresaliente Morenito de Nîmes à un quite, ce qu’il fit par deux chicuelinas et larga. Désireux de terminer vainqueur aux points, Jean-Baptiste prit ensuite les bâtonnets pour deux cuarteos et une pose al violin. La faena qui suivit fut une partie de gagne-terrain entre le bicho et le piéton, l’animal chargeant avec alegria et le torero reculant et avançant à tour de rôle. L’arlésien finit par s’imposer en fin de trasteo sans asseoir vraiment sa domination. Les derrotes du bicho contrarièrent un peu l’esthétique de cette faena ambidextre clôturée d’une entière trasera caidita et complétée d’un descabello. Dernière oreille de la tarde.
Egalité : trois oreilles partout dans ce mano a mano et sortie a hombros des deux intervenants. Le public avait passé un bon moment, même si …
Pari réussi pour l’organisateur Vincent Ribera avec deux sorties a hombros sur trois spectacles.
Paco